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Melissa Cerutti, enseignante au CO, et le transfert des savoirs

Titulaire d’une classe, Melissa Cerutti enseigne depuis la rentrée scolaire 2021 les mathématiques et les sciences au CO de la Tuilerie à Saint-Maurice. Avant d’exercer cette activité professionnelle, elle a été hôtesse de l’air pendant une année et demie.

A la fin de sa scolarité obligatoire effectuée dans le canton de Vaud, Melissa Cerutti s’envisageait comme médecin. Jouant du violon, elle est allée au gymnase Auguste Piccard, dans une classe pour les artistes. A l’université, elle a effectué une année de médecine, ce qui lui a permis de constater que cette voie ne lui correspondait pas. Intéressée néanmoins par la biologie, elle a opté pour des études dans ce domaine et a obtenu un Bachelor à l’Université de Lausanne. Elle souhaitait poursuivre avec un Master dans le biomédical, mais en stage, elle a découvert que le travail en laboratoire était différent de celui qu’elle avait imaginé. Elle a alors vécu une période de remise en question. Ayant une maman enseignante et un copain exerçant cette profession à Orsières, elle a estimé que ce métier pourrait lui permettre de concilier son goût pour les sciences et l’envie de transmettre des savoirs. Après avoir effectué plusieurs remplacements à la vallée de Joux, dont un de trois mois, elle a néanmoins ressenti le besoin de réfléchir avant de se lancer dans une nouvelle formation. C’est ainsi qu’avec un papa pilote d’avion chez Swiss, elle a décidé de devenir hôtesse de l’air. Elle a ensuite présenté son dossier de candidature à la HEP dans le canton de Vaud et a été immédiatement sélectionnée. Encore en formation initiale, elle a été engagée dans une classe à la vallée de Joux à temps partiel.

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«Notre école est assurément trop fermée sur elle-même.»
Melissa Cerutti

INTERVIEW

Quelles compétences acquises lorsque vous étiez hôtesse de l’air avez-vous pu transposer en classe?

Avec une maman parlant suisse allemand, j’étais déjà bilingue, ayant de plus des facilités pour apprendre les langues. Basée à Zurich, j’ai principalement développé mon autonomie. Au quotidien, j’ai dû m’habituer aux vols de nuit, aux décalages horaires et m’adapter en permanence, sachant qu’il arrive que des passagers soient difficiles à gérer, ce qui me permet de faire un parallèle avec le comportement perturbateur de certains élèves. Dans l’aviation, on gère quantité d’imprévus, donc si le vol est bien préparé en cabine avant le décollage, tout est plus facile et là encore c’est un point que l’on peut comparer à la planification des cours.

 

En tant qu’élève, parveniez-vous à voir les liens entre ce que vous appreniez en classe et la vie au-dehors?

Il y avait quelques branches, comme les sciences ou les langues, où je percevais un peu de sens à ce que j’apprenais, mais globalement la note était mon unique moteur. Pour bien des apprentissages, en français ou en géographie par exemple, je n’ai saisi leur utilité que bien plus tard.

 

Dans votre enseignement, êtes-vous attentive au transfert des apprentissages?

Oui, car je pense que c’est très important, toutefois je ne sais pas forcément comment créer les conditions favorables à ce transfert. J’ai l’impression que certains élèves se bloquent même lorsque j’essaie d’apporter un sens global à un apprentissage donné, parce qu’ils voudraient qu’on le relie personnellement à eux, en fonction de leurs intérêts, ce qui pour moi est mission impossible au vu du nombre d’élèves côtoyés chaque semaine. Les plus scolaires se disent que ce qui semble inutile en l’état leur servira peut-être plus tard, tandis que les autres auraient davantage besoin d’un transfert immédiat pour s’engager dans les apprentissages.

Melissa Cerutti1«J’aimerais avoir plus de temps pour enseigner à partir des questions de mes élèves.»
Melissa Cerutti

 

Vous arrive-t-il de tester de nouvelles approches?

Pas assez. Selon les thèmes, il m’arrive d’aller en salle de sciences. J’ai l’impression que je devrais donner une dimension plus concrète à ma manière d’enseigner, mais dans le même temps je cours après le programme, donc ajouter cette dimension pratique en essayant d’autres approches pour les motiver me semble impossible. A la HEP, j’ai eu un maître formateur qui incitait les futurs enseignants à se lancer dans l’expérimentation et la démarche scientifique avec les élèves, néanmoins pour que cela puisse se faire dans des conditions réalistes il faudrait des cours sur deux périodes. Dans mon idéal, j’aimerais avoir plus de temps pour enseigner à partir des questions de mes élèves, estimant que cette piste serait intéressante à explorer.

 

Vos élèves sont-ils plus demandeurs d’une mise en relation avec le réel que vous ne l’étiez à leur place?

J’ai cette impression pour une partie d’entre eux. Ceux qui ne peuvent pas s’accrocher aux bonnes notes ressentent ce besoin de questionner le sens des apprentissages. Ayant eu de la facilité à l’école, j’ai quelquefois l’impression d’être en décalage avec les élèves en niveau 2, alors que j’aimerais trouver comment les aider à s’investir pour mieux réussir.

 

Le transfert des apprentissages est-il plus naturel en sciences qu’en maths?

Incontestablement. En sciences, lorsque les élèves étudient le corps humain, ils sont concernés de manière très directe. En cours de maths, hormis la géométrie, j’ai plus de difficulté à leur faire percevoir les liens, probablement aussi parce qu’ils sont moins clairs pour moi.

 

Avez-vous songé à enseigner les langues?

J’ai appris l’allemand à l’oreille, dès lors je n’ai pas forcément le niveau en grammaire. Reste que j’avais tout de même demandé à la HEP si le fait de m’être tout le temps exprimé en allemand et en anglais pendant une année et demie pouvait être reconnu, ce à quoi on m’a répondu qu’il était indispensable d’avoir des crédits universitaires. Je comprends cette exigence, tout en me disant que la pratique de la communication en situation professionnelle pourrait précisément être intéressante pour faciliter ce transfert des apprentissages. Peut-être que ces critères vont évoluer…

 

Lors des cours de projets personnels dans la classe dont vous êtes titulaire, vous arrive-t-il d’évoquer votre activité professionnelle précédente?

Parfois. Comme moi à leur âge, beaucoup de mes élèves pensent que le choix fait à la fin du cycle sera déterminant pour tout leur avenir, et c’est là que mon parcours peut les rassurer. Par ailleurs, j’ai eu une élève qui voulait devenir hôtesse de l’air tout en faisant le minimum en cours de langues et j’ai aisément pu lui démontrer l’importance de l’allemand et de l’anglais si elle voulait réaliser son rêve dans une compagnie aérienne suisse.

 

A vos yeux d’enseignante encore débutante, y aurait-il des dimensions qui seraient à modifier dans l’école pour favoriser les transferts d’apprentissage?

Dans l’ensemble, notre école fonctionne très bien, cependant si les élèves pouvaient percevoir davantage de sens aux apprentissages avec des ancrages concrets, elle serait alors mieux adaptée à tous les profils. L’année passée, l’EPFL avait proposé des activités scientifiques sous un angle ludique et je me dis que des démarches de ce genre mériteraient probablement d’être multipliées dans les écoles. Ouvrir davantage les cours à des intervenants externes serait peut-être une stratégie à tester, car cela pourrait mettre en lumière certains liens entre ce que les élèves doivent apprendre en classe et ce qui est utile dans la vie. Notre école est assurément trop fermée sur elle-même. Avec des programmes différents pour chacun des degrés, j’avoue que je n’ai pas l’énergie pour modifier en profondeur ma pratique professionnelle, d’où à mon avis la nécessité d’une réflexion plus globale, également au niveau des moyens d’enseignement dont nous disposons. 

 

Avoir une expérience professionnelle hors de l’école, par exemple sous forme de stage avant ou après la HEP, serait-ce selon vous une idée à généraliser pour relier l’école au monde extérieur?

Pas forcément. Si je fais l’analogie avec mon copain enseignant et mes collègues à propos de la problématique du transfert entre théorie et pratique, j’ai l’impression que l’on se pose les mêmes questions, avec une ouverture d’esprit similaire, tout en étant autant démunis.

 

Propos recueillis par Nadia Revaz

 


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