Accéder au contenu principal

Regards de deux collégiens sur le sens des savoirs

Afin de savoir quel sens des jeunes donnent aux apprentissages à l’école obligatoire et au secondaire II, nous avons rencontré deux étudiants en 4e année au Lycée-Collège des Creusets de Sion.

 
Guillaume Huber
 

«La connaissance n’a de sens que dans l’interdisciplinarité.»
Guillaume Huber

INTERVIEW GUILLAUME HUBER 

La question du sens des apprentissages vous paraît-elle pertinente?

Oui, car il est difficile de s’investir pour apprendre, sans voir de sens. C’est un défi dans la vie de l’écolier et de l’étudiant.

A l’école primaire, diriez-vous que certains savoirs vous étaient étrangers?

Très curieux de nature, j’avais de la peine à faire pour faire et je me demandais toujours pourquoi je devais apprendre sans comprendre. Quand j’ai commencé les maths à l’école, je trouvais absurde qu’on exige de moi de résoudre des additions ou des soustractions. Et à cet âge-là, je n’arrivais pas à me projeter dans le futur, en envisageant un possible sens à découvrir plus tard, ce qui rendait ma tâche compliquée.

Aviez-vous alors l’impression que les enseignants percevaient ces moments où le sens des savoirs vous manquait?

Même si le sens des apprentissages ne peut pas nous être donné, car c’est très personnel, les enseignants peuvent susciter une partie de notre envie d’accéder à certains savoirs et à certaines compétences, en éveillant notre curiosité et en plaçant des obstacles à notre portée afin qu’on puisse progressivement les dépasser. Avec moi, certains y parvenaient, d’autres pas, mais j’imagine que les autres élèves n’avaient pas forcément le même classement. Quand on est enfant, le rôle des enseignants, mais aussi celui des parents, est d’autant plus important, car on a davantage de difficulté à fournir des efforts si quelque chose ne nous motive pas dans l’immédiat.

Au CO, avez-vous trouvé davantage de sens?

Avec la dimension d’orientation du CO, ce sont surtout les notes qui donnaient du sens à mes apprentissages. Les cours me paraissaient toutefois déjà un peu plus intéressants.

Et aujourd’hui, quelle est votre relation au sens des savoirs?

Jusqu’au collège, j’étudiais seulement pour les notes, tandis que maintenant je perçois que les apprentissages peuvent avoir un sens supplémentaire, même sans évaluation à la clé. Certains savoirs n’ont et n’auront pas forcément une utilité directe dans ma vie, mais l’ensemble des sujets abordés au collège m’aide à mieux comprendre le monde, à apprendre à penser par moi-même et à avoir un esprit critique, ce qui pour moi donne du sens à ce que j’étudie.

Quelle serait votre réponse à ceux pour qui les cours de philosophie par exemple ne font aucun sens?

Je commencerais par leur demander s’ils ont eu des cours de philosophie. Au collège, ce qui me plaît, c’est l’incitation à réfléchir et c’est particulièrement le cas dans les cours de philo, où l’on acquiert des outils pour raisonner. J’y ai notamment découvert que la connaissance n’a de sens que dans l’interdisciplinarité. En accédant à la capacité de relier par soi-même les apprentissages, le sens des savoirs scolaires devient plus visible et davantage relié au sens de l’existence.

Avec votre expérience d’étudiant, avez-vous une idée de ce qui aurait pu vous aider au primaire, notamment en cours de maths?

A l’école obligatoire, j’avais parfois l’impression qu’on voulait faire entrer les élèves dans un cadre, avec un enseignement très formaté où ils sont là seulement pour appliquer. Au collège, nous avons des occasions de rencontres et je suppose qu’en avoir déjà à l’école obligatoire pourrait aider certains élèves à trouver du sens. Peut-être que si j’avais vu la passion pour la branche dans les yeux d’un mathématicien qui serait venu nous parler, cela m’aurait permis d’avoir un autre regard, même sans tout comprendre. Les enfants ont peut-être besoin de davantage de liens concrets pour pouvoir donner du sens à des apprentissages abstraits.

 

Aude-Marie Gaspoz
 

«Tout est essentiel parce que tout est en relation.»
Aude-Marie Gaspoz

INTERVIEW AUDE-MARIE GASPOZ

Aviez-vous déjà réfléchi à la question du sens des apprentissages scolaires?

Pas vraiment, mais c’est une question qui me semble intéressante.

A l’école primaire, perceviez-vous le sens de ce que vous appreniez?

Petite, comme tout le système scolaire est basé sur les notes, je croyais qu’elles faisaient ma valeur. J’apprenais donc pour apprendre, sans en voir le sens, et si j’avais de bons résultats, j’aimais bien la branche.

Au CO, était-ce différent d’aujourd’hui?

Plus on gravit les échelons, plus les domaines étudiés sont en lien avec la vie réelle, ce qui augmente l’envie d’apprendre. Ainsi, je me sentais concernée en cours de biologie au CO, parce qu’on étudiait le corps humain, et au collège la matière est encore plus stimulante, alors qu’au primaire en cours de sciences de la nature on abordait des thèmes qui me paraissaient éloignés de moi.

En grandissant, le sens de la note est-il resté le seul qui vous incite à apprendre?

Non, dès le CO, il y a aussi eu celui de mon futur professionnel, avec un but à atteindre. A cela s’est petit à petit ajouté le plaisir de parvenir à connecter les savoirs entre eux. Aujourd’hui, j’ai la sensation de commencer à comprendre le monde, ce qui donne un sens supplémentaire.

Le programme du collège est-il composé de savoirs tous essentiels ou certains sont-ils inutiles à vos yeux?

Dans la perspective de la complémentarité interdisciplinaire, tout est essentiel parce que tout est en relation. Dans le monde réel, un biologiste va être aidé par les apports d’un géographe qui lui-même aura bénéficié des connaissances d’un physicien,etc. Ce ne sont pas des univers totalement séparés.

Le sens des mathématiques est-il évident?

Au départ, on peut avoir tendance à se dire que les formules mathématiques, ça ne sert à rien. Savoir que des personnes en font leur métier, l’exercent avec passion, et que les innovations qui découlent de leurs recherches ont une incidence sur nos vies, cela peut contribuer à modifier notre relation à cette matière. Le problème, c’est que nous sommes souvent un peu trop dans l’ignorance des liens entre les connaissances à l’école et dans la société.

En quoi la philosophie est-elle à vos yeux une branche utile?

C’est la branche essentielle par excellence, car elle nous permet de construire notre pensée en acceptant la contradiction, indispensable pour enrichir la diversité des points de vue. Les professeurs de philo nous offrent un cadeau en nous apprenant des automatismes pour nous questionner, d’autant plus que cela nous est utile au quotidien, pour se découvrir et pour découvrir le monde.

Quel est le rôle des enseignants dans votre envie d’apprendre?

Les professeurs au collège nous guident pour nous aider à réfléchir par nous-mêmes. Cette manière de faire nous donne une place dans l’école et avoir une confiance augmentée nous aide à trouver des raisons de vouloir apprendre.

Qu’est-ce qui pourrait être amélioré au collège?

Au collège, nous nous construisons une solide base théorique, mais j’apprécierais de pouvoir occasionnellement mettre un pied dans la pratique. Je vivrais cela comme une sorte de récompense à mes efforts, et ce serait aussi une occasion d’approcher le sens par les sens.

Estimez-vous qu’à l’école obligatoire une autre approche vous aurait permis de trouver un autre sens que celui des notes?

Je me dis que les enfants sont déjà capables de se poser certaines questions et que l’enseignant, avant d’entamer un nouveau sujet, pourrait commencer par écrire sur une grande mappe toutes les idées, en lançant une discussion. La mise en contexte permettrait aux élèves d’être inspirés et de voir apparaître des sens possibles aux savoirs transmis. Une autre chose serait de donner, à travers les connaissances, une vision du futur moins effrayante, car cela peut briser le désir d’apprendre.

Propos recueillis par Nadia Revaz