Regard de deux collégiens sur la persévérance musicale et scolaire
Arnauld Crettenand, en 4e année, et Jean Démurger, en 2e année, sont tous deux étudiants au Lycée-Collège de la Planta à Sion, en option spécifique «maths fortes», et consacrent du temps à leur passion, la musique.
«Je renforce ma persévérance lorsque le délai approche.»
Arnauld Crettenand
INTERVIEW ARNAULD CRETTENAND
Quand et pourquoi avez-vous choisi d’étudier la contrebasse?
J’ai commencé à 7 ans. Lors de portes ouvertes organisées au Conservatoire, le timbre de cet instrument m’a plu. Il est vrai que le son de la contrebasse est fascinant.
Jouer d’un instrument exige de la rigueur. Quelles ont été les premières clés de votre persévérance?
La contrebasse était mon choix, toutefois le rôle de mes parents a été déterminant jusqu’à la 2e année du CO, puisqu’ils m’encourageaient et me rappelaient régulièrement que je devais m’entraîner si je voulais progresser. Mon engagement personnel a ensuite été croissant jusqu’à la 2e année du collège. A partir de là, travailler l’instrument en mettant en place une routine quotidienne et savoir repérer ce qui doit être amélioré est devenu un vrai plaisir m’incitant à persévérer. Depuis quelques mois, j’ai envie de faire de la musique mon métier tant j’aime ça, même si certaines matières enseignées à l’EPFL m’intéressent également.
Arnauld Crettenand joue de la contrebasse.
Comment progresse-t-on musicalement en termes de stratégies d’attention et de persévérance?
Ma persévérance, je la sollicite plutôt en répétant tout seul des morceaux pour relever des défis techniques. J’ai l’impression que la capacité d’attention se développe surtout dans le travail en orchestre, car en jouant avec les autres on est obligé de s’écouter pour être ensemble. Les expériences en orchestre ont aussi décuplé ma motivation.
Est-il plus facile de percevoir la finalité des apprentissages en jouant de la contrebasse qu’au collège?
Le plaisir du concert est une récompense directe aux efforts consentis. En soi, le sens de chacune des matières du programme au collège est évident et toutes, à des degrés divers, me plaisent, toutefois celui de certaines parties de cours demeure parfois invisible à mes yeux.
Comment persévérer sans en percevoir le sens?
J’estime que si une notion est au programme, je dois l’apprendre, parce que cela fait partie du parcours scolaire tout simplement. Comme de nombreux domaines suscitent ma curiosité, je trouve qu’il y a peu de choses inintéressantes abordées en classe.
Avez-vous parfois transposé votre persévérance musicale au niveau scolaire?
Ayant effectué ma première année de collège à Brigue, je pense que les stratégies acquises en musique m’ont permis de savoir à ce moment-là comment gérer mes efforts. Au Conservatoire, on s’habitue aux examens et aux récitals en public, ce qui est un atout au niveau de la gestion du stress. Ne pas avoir que l’école dans sa vie en tant que jeune me semble important pour conserver son enthousiasme. Cela étant, on ne peut pas tout gérer de front, et j’ai pour ma part arrêté le basket, pour me limiter à du sport en individuel, de façon à ne pas avoir des entraînements fixes qui viendraient s’ajouter à mon programme déjà chargé.
Comment définiriez-vous votre stratégie de persévérance?
A l’école, comme en musique, je suis efficace seulement sous pression, donc je renforce ma persévérance lorsque le délai approche. En classe, je mets l’accent sur l’écoute, en prenant des notes dans certains cours, et je révise sur la dernière ligne droite. Ma stratégie, si j’en ai une, c’est le dosage, mais je devrais parvenir à m’organiser sans avoir de pression pour mieux réussir sur le long terme.
Parvenez-vous toujours à répondre aux attentes scolaires et musicales?
Non, ces derniers mois, tout s’enchaînait du côté de la musique, donc j’étais un peu épuisé à l’école, avec de légères pertes d’efficacité. Il me faut apprendre à dire non à certains projets en vue d’une meilleure organisation avec les échéances de part et d’autre.
«Ma persévérance musicale est associée aux challenges»
Jean Démurger
INTERVIEW JEAN DÉMURGER
Quand avez-vous commencé à jouer du basson?
A 9 ans. J’avais un ami qui en faisait et je trouvais cet instrument hyper intriguant et lors d’une journée portes ouvertes au Conservatoire j’ai pu tester. De fil en aiguille, j’ai su que j’appréciais vraiment le basson.
Persévérer dans la maîtrise de cet instrument a-t-il donc été une évidence?
Je ne sais pas pourquoi j’ai croché, mais je pense que c’était la curiosité pour cet instrument pas banal qui offre toutes sortes de possibilités.
Jean Démurger joue du basson.
Votre famille vous encourageait-elle au début pour que vous répétiez entre deux cours?
D’après ma mère, je m’entraînais spontanément au basson, car c’était mon envie. Eprouvant du plaisir, je n’ai jamais trouvé cela contraignant.
Votre rigueur a-t-elle également été naturelle du côté scolaire?
Mes parents n’avaient pas à s’occuper de mes devoirs ou mes leçons. J’ai toujours été autonome et depuis le collège j’ai peaufiné mon organisation pour parvenir à concilier école et musique, en me fixant des temps de travail par tâche.
Sur le plan musical, quel est votre moteur pour persévérer?
Ma persévérance musicale est associée aux challenges. Quand je joue une pièce et que j’obtiens le résultat que je visais, c’est une vraie satisfaction qui m’incite à persévérer. Lorsque je ne parviens pas à atteindre mon objectif, je me dis que je ferai mieux la prochaine fois. En musique, on est habitué à reprendre plusieurs fois un même passage pour l’améliorer, sans forcément réussir du premier coup.
Vos stratégies scolaires sont-elles identiques?
J’aime apprendre et presque tout m’intéresse, cependant les satisfactions ne sont pas aussi immédiates et fortes qu’en musique et le lien entre théorie et pratique est moins présent, ce qui ne me dérange pas. En classe, j’ai aussi l’envie de donner le meilleur de moi-même dans toutes les branches, avec parfois un petit peu moins de plaisir à suivre un chapitre précis. Je crois important de ne pas fermer les portes au savoir, même si tout ce que j’apprends à l’école ne me sert et ne me servira pas forcément dans ma vie personnelle ou professionnelle.
Transposez-vous parfois vos stratégies d’attention ou de persévérance, du cours de musique à la classe?
Je mémorise probablement certaines parties de cours comme un morceau de musique, toutefois c’est plutôt un mécanisme inconscient. Je suppose que tout ce que l’on apprend hors de l’école, et j’ai par exemple pratiqué le judo, me sert pour étudier plus facilement en classe. Ce dont je suis sûr, c’est qu’avoir des loisirs, et le cinéma est un autre de mes centres d’intérêt, est essentiel pour élargir mon horizon et enrichir ma perception de la société et de l’humain, avec notamment une influence dans ma manière de construire ma pensée, de réfléchir, de me concentrer, de gérer le stress et de persévérer. Un loisir, c’est aussi un refuge et un divertissement, pour n’avoir pas que l’école dans sa vie et ainsi relâcher la pression.
Comment définissez-vous la notion d’effort?
Pour moi, c’est faire ce que je n’apprécie pas immédiatement, tout en sachant que c’est nécessaire pour parvenir à un résultat visé. A la fin, ce qui paraissait un effort devient souvent une satisfaction plus ou moins grande. Vouloir décrocher une bonne note peut aussi être un facteur de motivation et de persévérance.
Imaginons que l’on ajoute une branche vous paraissant inutile à la matu? Vous accrocheriez-vous quand même?
Pour ne pas me décevoir moi-même, j’essaierai de m’investir du mieux que je peux, sachant qu’aucune connaissance est inintéressante en soi. De plus, n’étant pas encore déterminé pour mon avenir professionnel, peut-être que cette branche, en apparence inutile, fera sens plus tard.
Propos recueillis par Nadia Revaz