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Regard de Vérène Zay sur la persévérance grâce au violon

Vérène Zay enseigne au Conservatoire cantonal à Sion et dans le cadre du projet Un violon dans mon école à Martigny, destiné aux 1-4H (élèves de 4 à 7 ans).

 

Ce dispositif original, créé par la Fondation Vareille, est intégré en France dans des écoles de quartiers d’éducation prioritaire et en Suisse, dont à Martigny et Monthey pour le Valais. Le choix de l’instrument a dès le départ été associé au développement de diverses capacités cognitives, dont l’attention, la rigueur et la persévérance, aussi dialoguer avec l’une des professeures de violon associées à ce projet semblait une évidence en lien avec la thématique du dossier du mois. Entre le cours de violon et celui de français et de maths chez les petits ou les grands, n’y a-t-il point de résonances?

 

Verene Zay

Passionnée par la musique,
Vérène Zay donne des cours de violon

En parallèle à sa 2e année au Lycée-Collège des Creusets à Sion, Vérène Zay a passé son certificat amateur au Conservatoire, puis est partie une année aux Etats-Unis dans une high school qui proposait un programme spécial pour les artistes, mêlant musique, théâtre et danse. Après le collège, elle s’est formée à la Haute école de musique de Lausanne, ne décidant de s’orienter dans la voie de l’enseignement qu’à la fin du Bachelor. Elle a poursuivi avec un Master en pédagogie musicale. A côté de son activité de professeure de violon, Vérène Zay se produit occasionnellement sur scène, notamment avec les Symphonistes d’Octodure.

INTERVIEW

En vous initiant au violon dès l’âge de 6 ans, avez-vous tout de suite été motivée à répéter régulièrement?

Toute petite, je jouais quotidiennement, mais évidemment pas très longtemps. Si j’ai tout de suite eu une pratique régulière, c’est grâce à mes parents qui m’encourageaient et étaient ouverts à m’amener voir des concerts. Je me souviens de cet instant où j’ai été bouleversée par le son d’un violon lors d’un concerto au KKL à Lucerne.

Votre envie de faire du violon votre profession date-t-elle de là?

Même si ma relation à l’instrument en a été modifiée, j’ai décidé assez tardivement de faire du violon mon métier. En revanche, au CO, j’ai eu des soucis de santé, et la musique a alors joué un rôle majeur dans cette phase douloureuse où j’allais très peu à l’école.

Avez-vous connu des moments de découragement?

J’aimais jouer, mais pas trop travailler dès que quelque chose me paraissait difficile. Je n’ai jamais jeté mon violon par terre, mais des métronomes oui. Mes découragements ne duraient jamais bien longtemps. Consciencieuse de tempérament, j’avais confiance, me disant qu’en jouant et en écoutant les conseils qui m’étaient donnés je pouvais progresser.

A vos débuts, quelqu’un vous a-t-il insufflé l’art de la persévérance?

Mes parents et mon professeur de l’époque, Ștefan Ruha, ont assurément joué un rôle de motivateur. Aujourd’hui, je me sens encore en apprentissage et c’est ce qui me réjouit et me permet de persévérer.

La pratique du violon a-t-elle pu vous aider scolairement au niveau des méthodes d’apprentissage?

Même si j’avais des facilités scolaires, je pense que la pratique du violon m’a permis de mettre en place très tôt des routines de travail, augmentant progressivement mes capacités d’attention et de concentration. Au collège, la charge de travail scolaire étant plus lourde, j’ai dû m’organiser pour tout gérer.

«Jouer dans un ensemble
augmente assurément l’envie de se dépasser.»
Vérène Zay

La joie musicale était-elle le moteur de votre assiduité?

Oui et mon enthousiasme a été renforcé par les auditions et les concerts, puisque j’ai très vite pu participer au Petit Orchestre du Conservatoire. Jouer dans un ensemble et pouvoir partager avec des musiciens plus avancés que soi, qui peuvent prodiguer des conseils, voire être des modèles, augmente assurément l’envie de se dépasser.

En tant que professeure de violon, devez-vous faire preuve de persévérance avec certains élèves?

Chacun se développant à son rythme, les outils de la motivation doivent être différenciés. Les élèves ayant plus de difficultés me demandent assurément de faire preuve de davantage de persévérance, toutefois c’est très gratifiant de les voir progresser, d’autant que ce sont souvent eux les plus souriants lors des concerts.

Avez-vous une astuce personnelle pour favoriser l’endurance?

Je n’ai pas de méthode miracle. Avec les tout-petits, j’essaie de rendre les cours de violon ludique et de les faire rire. L’astuce, c’est peut-être de les autoriser à proposer de temps à autre des morceaux ou des mélodies qu’ils ont envie de jouer. Même si, en fonction de leur niveau, ce n’est pas forcément évident de respecter leurs souhaits, leur montrer les étapes encore à franchir peut suffire à les motiver. L’objectif, c’est bien sûr de leur faire découvrir les grands musiciens classiques auxquels ils n’ont peut-être pas accès facilement, cependant j’ai à cœur d’ouvrir les portes à d’autres styles, afin qu’ils conservent le goût de jouer.

En cours de violon, à partir de quand la progression de l’attention et de la persévérance sont-elles visibles?

Cela survient en général au bout d’un an ou deux. Soudain, on remarque que l’élève porte une attention particulière aux sons produits par l’instrument et mesure l’impact d’infimes variations au niveau de ses gestes. En jouant avec d’autres, cette attention se construit également dans l’écoute. Il suffit quelquefois d’un morceau lui plaisant particulièrement pour voir un élève se mettre à crocher.

L’émotion d’un concert peut-elle aussi bousculer l’envie d’apprendre?

Absolument et ce fut du reste mon cas. Je trouve formidable l’ouverture des écoles à la culture, car il est important que tous les enfants aient la possibilité d’avoir accès à cette énergie qui traverse le public. L’effet est encore plus puissant si les enfants peuvent participer à des concerts interactifs leur permettant de se rendre compte qu’ils sont capables de produire quelque chose d’artistique et de ressentir la vibration de l’émotion.

C’est précisément ce qui est rendu possible avec le projet Un violon dans mon école. Vous souvenez-vous de vos premiers cours dans ce cadre?

J’avais alors été frappée par le peu d’attention de certains élèves. Grâce aux classes de Martigny, je ne suis plus l’enseignante de violon que j’étais. J’ai dû apprendre à construire des stratégies d’enseignement de groupe. Au démarrage du projet, des morceaux très faciles étaient proposés, puis le niveau d’exigence a été relevé, du fait que les enfants en avaient les compétences. En dehors du cadre défini par la Fondation Vareille, les enfants peuvent continuer les cours de violon à l’école, mais en dehors du temps scolaire, et certains le font. Cette année, un groupe de 5H a voulu poursuivre, ce qui est réjouissant.

Le projet conduit-il à une amélioration de l’attention et de la persévérance des élèves?

Un moment crucial dans la découverte de l’attention, c’est celui du concert de fin d’année, avec une persévérance renforcée les semaines qui précèdent l’événement, sa perspective étant perçue par les élèves comme une carotte. La plupart ont à cœur de donner le meilleur d’eux-mêmes le jour J. En les entraînant au protocole du concert, on leur répète que le défi ce n’est pas seulement de bien mémoriser les pièces pour les jouer au mieux, tout en insistant sur le fait que même si toutes les notes ne sont pas là ce n’est pas grave, mais que l’essentiel est d’être à l’écoute et présent au groupe. En participant au concert, les enfants vivent une expérience de la réussite, en ayant tous un rôle à jouer sur scène, ce qui leur apporte une satisfaction précieuse et la démonstration que leurs efforts sont couronnés par un résultat. Après le premier concert, le goût d’une certaine ambiance de travail, où le calme est central, s’installe.

Dans ce projet, il y a quelque chose de joyeux et de ritualisé, voire de solennel. Selon vous, ce mélange pourrait-il contribuer à renforcer l’attention et la persévérance?

Avant de prendre le violon dans les mains, les enfants doivent apprendre à s’asseoir calmement à côté de l’étui. Ensuite, ils peuvent ouvrir la boîte, puis saisir le violon et l’archet. Chaque étape est ritualisée, afin qu’ils en mesurent l’importance. Avoir ensuite à prendre grand soin de l’instrument, beau et fragile à la fois, les responsabilise. Ces rituels ainsi que les codes non verbaux nous épargnent la discipline et mettent les élèves en condition d’apprentissage.

Propos recueillis par Nadia Revaz


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