Au coeur de l’atelier de l’illustratrice Valeria Docampo
Tous les deux ans, sur trois jours en avril, un magnifique Salon du livre de jeunesse avec des milliers de livres à découvrir et avec des ateliers et des animations a lieu à Saint-Maurice, afin d’inciter les enfants à entrer dans la lecture et ses entours. Pour sa 16e édition, mise sur pied par le comité de l’association Littéra-Découverte présidé par Nicole Rappaz et grâce à la complicité de la Librairie du Baobab à Martigny, les visiteurs, petits et grands, se sont retrouvés immergés dans «Le monde d’après…». Rien que l’affiche de Dominique Studer faisait rêver. L’événement était organisé sur trois sites, à savoir au centre sportif, à la Gloriette et à la Médiathèque où Résonances a fait halte. Il s’agissait de rétrécir comme Alice pour assister en catimini à un atelier au pays des merveilles et du dadaïsme animé par l’illustratrice Valeria Docampo, histoire de vous insuffler quelques idées de lecture en classe.
Valeria Docampo expliquant son travail
Théorie et pratique artistiques
Quatre classes de Saint-Maurice ont eu la chance de vivre cet atelier avec Valeria Docampo, en marge de l’exposition de son travail permettant de découvrir ses gouaches acryliques, craie et crayons sur papier. Ce privilège offert aux élèves agaunois a réjoui Evelyne Nicollerat, responsable de la Documentation pédagogique à la Médiathèque Valais – Saint-Maurice. Suivons les élèves de la 3H d’Hélène Niceta. Voilà les enfants assis sur des coussins avec devant eux de grandes feuilles qui vont servir de sous-main à leurs réalisations. Mais avant la pratique, place à la théorie. L’illustratrice, d’origine argentine et vivant en France depuis 2011, commence par briser la glace en parlant de son pays, de façon à éviter la focalisation de l’attention sur l’exotisme de son accent. Elle peut maintenant inviter les enfants à réfléchir à la fabrication d’un livre, avec le rôle de l’auteur, de l’illustrateur, de l’éditeur et de l’imprimeur. Partant de sa pratique artistique, elle exemplifie la part de rêve et de fantaisie qu’elle insuffle à ses tableaux qui deviendront illustrations. «J’imagine l’histoire en images», raconte Valeria Docampo, ce qui fait écho à l’esprit créatif des enfants. Très vite, elle les invite à la rencontre d’Antoine de Saint-Exupéry dont elle a illustré une version réadaptée par Agnès de Lestrade pour les jeunes lecteurs. A cet âge, ils ne sont que quelques-uns à connaître Le Petit Prince dans sa version originale, mais ils sont fascinés par celle des éditions Alice jeunesse, et assurément rencontrer la rose, le renard, l’allumeur de réverbères ou le géographe les incitera à lire plus tard le texte de 1943. A propos de son travail d’illustration d’Alice au pays des merveilles à partir de la nouvelle traduction d’Emmanuèle Sandron, Valeria Docampo résume les différentes étapes, depuis les esquisses. L’un des enfants s’exclame à plusieurs reprises: «C’est trop joli». Face au Chapelier fou, une élève dit qu’elle trouve très bizarre de fêter les non-anniversaires. Avec des exemples de La grande fabrique de mots dont le texte est signé par Agnès de Lestrade, l’illustratrice poursuit sa traversée artistique.
Un tableau de Valeria Docampo dans le cadre de l'exposition Alice
Jouant avec les mots, Valeria Docampo évoque les artistes dada, expliquant que le mouvement est né en Suisse, à Zurich. Les élèves l’aident à prononcer le nom de cette ville. Après quelques explications montrant la construction de mots-valises en images, tout à fait dans l’esprit de la créativité linguistique d’André Breton ou de Lewis Carroll, les élèves vont découper des images pour en faire un collage dada. Ils n’ont aucun problème à inventer des visages mélangeant animaux et/ou objets. L’un d’eux est fier de son jeu de mots en images, faisant d’un papillon un nœud papillon pour son hibou. C’est là qu’on voit la magie de l’enfance, avec cette capacité naturelle à embarquer dans un scénario et à inventer une histoire pour décrire le collage réalisé.
De la concentration à la créativité
Helène Niceta a apprécié ce moment passé à la Médiathèque, admirative de toute l’animation qui selon elle formait un tout: «L’atelier était vraiment bien mené du début à la fin et l’on ressentait que Valeria Docampo avait l’habitude de s’adresser à des enfants de 7 ans.» Et l’enseignante de compléter son propos: «Donner la possibilité aux élèves de rencontrer des auteurs ou des illustrateurs, cela leur permet d’avoir une idée plus concrète de la manière dont se construit un livre et c’est essentiel pour les faire entrer dans la lecture.» L’après-midi, au Salon Littéra-Découverte, l’enseignante a demandé aux enfants de voter pour choisir un album pour la classe et sans surprise ils ont opté pour l’un des trois titres présentés le matin. Certains élèves ont ensuite revu l’illustratrice en famille pendant le week-end et se sont empressés de dire le lundi matin à leur maîtresse qu’ils avaient revu Valeria, l’illustratrice leur étant devenue familière. Hélène Niceta a l’intention de prolonger la découverte des courants artistiques en classe et de s’inspirer de l’activité de portrait dada en version collage avec une prochaine volée.
«J'imagine l'histoire en image.»
Valeria Docampo
Comme l’explique Valeria Docampo après l’atelier, dans ces instants de complicité avec les enfants, elle souhaite leur donner une ouverture à l’art et pas seulement leur présenter son travail. Sa force, ayant travaillé dans des classes Ulis en France, c’est de savoir s’adapter aux divers profils d’élèves. L’illustratrice s’enthousiasme: «J’adore mon activité créatrice très solitaire autant que ces moments avec les enfants et j’ai plus d’un tour dans mon sac, avec plusieurs ateliers possibles pour chaque livre, notamment autour de la couleur, afin de les initier à l’univers artistique sans bien sûr entrer dans des détails techniques comme je peux le faire dans un «workshop» avec des adultes.». Et elle confie: «Quand j’étais petite, j’ai eu la chance de rencontrer un peintre dans mon école et c’est un souvenir inscrit à jamais dans ma mémoire, donc je sais l’importance de ces rencontres.» Ce qui lui plaît dans son métier, c’est l’universalité du message: «Je suis fière de me dire que le livre La fabrique des mots a été traduit en 33 langues, et que mes illustrations peuvent se comprendre dans des cultures pourtant très différentes, même si j’ajoute dans certaines d’entre elles des éléments cachés pour les adultes qui lisent les histoires, en glissant par exemple des références culturelles ou politiques du passé ou d’aujourd’hui.» Eh oui, dans Alice au pays des merveilles, il y a une taupe habillée avec un gilet jaune, un oiseau avec un masque de la période Covid ou dans La grande fabrique de mots une image de la tour de Babel…
Au coeur de Littéra-découverte
De nombreux ouvrages de Valeria Docampo sont à disposition du public à la Médiathèque Valais dans le secteur jeune, alors n’hésitez pas à aller fouiner ou à demander des conseils auprès des bibliothécaires.
Nadia Revaz
Pour en savoir plus :