Skip to main content

Valérie Albrecht, directrice des écoles de Noble-Contrée

A la rentrée scolaire 2018, Valérie Albrecht est devenue la pilote de l’école intercommunale de Miège, Venthône et Veyras, renommée début 2021 «écoles de Noble-Contrée» avec la fusion des trois communes.

A l’école primaire, Valérie Albrecht, alors qu’elle était élève à Plan-Conthey, s’imaginait déjà enseignante. Puis au CO de Derborence, elle pensait plutôt s’orienter vers l’enseignement au secondaire et a donc choisi d’étudier au Lycée-Collège des Creusets en vue de poursuivre à l’université. Collégienne, elle a eu l’occasion d’être monitrice pendant les vacances dans plusieurs colonies en Valais, et le bonheur d’accompagner de jeunes enfants l’a déterminée à reconsidérer son projet professionnel et à opter pour l’enseignement au primaire. Sa maturité gymnasiale en poche, elle n’a dû suivre que les deux dernières années à l’Ecole normale. Une fois sa formation d’enseignante achevée, les postes de travail à pourvoir étant rares, elle a effectué divers remplacements et a été marquée par une expérience dans une classe en duo qui l’a sensibilisée au fonctionnement collaboratif. Elle a enseigné le français langue étrangère aux adultes à l’école privée des Buissonnets, avant d’avoir son premier poste à plein temps à Miège, dans une 1P-2P (3H-4H). Elle a ensuite assez vite choisi de travailler à temps partiel et a alors enseigné à Venthône, en 5P-6P (7H-8H). Lors du départ à la retraite de Lilly Sierro, elle lui a succédé au poste de directrice, et suit la formation de la Fordif (Formation en direction d’institutions de formation).

Valérie Albrecht

«Une école est toujours en changement et c’est un aspect qui me motive.»
Valérie Albrecht

Dans votre fonction de directrice, qu’appréciez-vous le plus? Et le moins?

Une école est toujours en changement et c’est un aspect qui me motive. J’apprécie le réseautage lié à cette fonction et j’aime accompagner l’innovation, en soutenant les enseignants dans leur démarche ou en lançant de nouveaux projets, tout en veillant à ne pas les surcharger. Si mon travail me passionne dans toute sa palette d’activités, ce qui me plaît un peu moins, ce sont les tâches administratives, d’autant que je ne travaille qu’à 80%.

Le travail de directrice ressemble-t-il à ce que vous imaginiez?

J’avais bien conscience de l’ampleur de la tâche, cependant pas de tous les partenaires que j’allais rencontrer. Je n’envisageais pas à ce point la riche diversité des activités.

Dans votre bureau, vous sentez-vous parfois un peu seule?

Si je demande aux enseignants de travailler en collectif, je me dois de montrer l’exemple. Même si je n’ai ni adjoint ni secrétaire, j’essaie d’éviter l’isolement. J’ai renforcé le rôle des référentes de chaque centre et j’organise des rencontres mensuelles. Depuis peu, je peux en outre partager certains questionnements avec la psychologue scolaire qui a été engagée. Dans l’arrondissement, nous nous connaissons très bien entre directeurs d’école, donc je n’hésite pas à les appeler pour demander conseil. Il m’arrive aussi de solliciter Grégoire Clavien, le conseiller communal en charge des écoles de Noble-Contrée, qui est lui-même directeur du CO de Goubing à Sierre. Dirigeant un établissement sur plusieurs sites, j’assure une permanence d’une demi-journée hebdomadaire dans chacun des centres, de façon à ressentir l’ambiance spécifique à Miège, Venthône ou Veyras et résoudre ainsi les problèmes plus rapidement.

Souhaitez-vous apporter une coloration particulière aux écoles de la commune Noble-Contrée?

S’il y a toujours eu des projets communs entre les trois écoles autour des décorations de ronds-points ou des expositions, avec la fusion il me semblait important d’aller un peu plus loin. J’espère insuffler un peu de ma personnalité, en incitant tous les enseignants à collaborer autour d’un projet pédagogique, tout en respectant l’identité de chacun des centres et de chaque enseignant, car ces dimensions sont complémentaires.

Quel est ce projet fédérateur?

Il y a plus d’une année, nous avons démarré notre projet sur le climat scolaire, autour de l’équipe formée par la psychologue et les médiatrices. Avec les enseignants titulaires, nous avons mené une réflexion sur les valeurs, de façon à définir la vision pour notre école.

Les parents sont-ils intégrés à la réflexion?

Ils se sont exprimés par le biais d’un questionnaire. Connaître leurs attentes et leurs besoins, tout en définissant les rôles de l’enfant, du parent et de l’enseignant, est important pour mieux communiquer dans le contexte d’un partenariat qui ne s’arrête pas aux murs de l’école. Nous avions déjà associé les parents dans le cadre d’un projet sur les tâches à domicile et le résultat figure dans l’agenda et la charte, et nous ferons de même avec la thématique du climat scolaire. C’est surtout lors des séances de réseau que je rencontre les parents, et j’observe que les acteurs et partenaires de l’école ont en commun l’envie de bien faire pour offrir le meilleur à l’enfant-élève. Le défi pour parvenir à s’accorder sur les pistes à mettre en œuvre consiste à construire un projet partagé. Si la confiance est réciproque, les chances de réussite sont grandes.

Avez-vous d’autres projets pour l’année scolaire?

Nous démarrons un projet de médiation par les pairs en 8H. La psychologue et les médiatrices, avec la collaboration des titulaires, formeront les élèves. L’année passée, nous avons profité du fait que l’une de nos remplaçantes avait mené ce projet à Sierre pour piquer des idées. Tout le district de Sierre va par ailleurs organiser des échanges linguistiques avec le district de Loèche et l’une des classes de Noble-Contrée y participera.

Bureau de Valerie Albrecht

«Alléger le stress lié à l’évaluation constante augmenterait l’envie d’apprendre
et diminuerait la peur de l’échec.»
Valérie Albrecht

Vous avez parlé d’une identité pour chacun des centres scolaires. Quelles sont leurs forces respectives?

A Miège, les enseignants se questionnent beaucoup, se lancent régulièrement dans des formations très diverses, ne se limitant pas à celles dispensées en établissement, pour se renouveler constamment. Du côté des élèves, il y a une identité villageoise très forte, du fait que presque tous font partie d’une société. A Venthône, il y a un dynamisme toujours présent et les enseignants ont l’habitude de collaborer, en se répartissant les rôles. L’équipe se crée chaque année autour du projet de spectacle de Noël qui est une véritable institution dans le village. Cet événement crée du lien avec les parents et les aînés et laisse aux élèves un souvenir impérissable. A Veyras, les enseignants se rencontrent énormément hors cadre scolaire, aussi ce sont eux qui ont été le plus impactés par les plans de protection sanitaire, car leur élan se nourrit de ces échanges en dehors de l’école. Dans ce centre, l’intégration des enfants à besoins particuliers se fait naturellement, car ce n’est pas quelque chose de nouveau.

Le relationnel entre enseignants est quelque peu mis à mal avec la pandémie. Quelle est votre solution?

Percevant une phase de découragement chez les enseignants en décembre dernier face aux incertitudes et en raison de la suppression des précieuses occasions de rencontres informelles et d’échanges conviviaux après les séances, j’ai alors estimé primordial de remettre un peu de bonne humeur et de joie dans l’école, sachant qu’enseignants et élèves en ont besoin. Afin de lutter contre cette ambiance anxiogène, j’avais demandé aux enseignants de m’envoyer des photos d’eux enfants et j’en postais régulièrement dans le groupe de discussion des enseignants et les autres étaient invités à reconnaître leur collègue. C’est vite devenu un jeu attendu qui a eu un effet boule de neige, puisque d’autres actions sympathiques ont été proposées dans les centres scolaires. A partir de là, la reprise en janvier a été plus sereine.

Ce souffle de légèreté est-il arrivé jusqu’aux élèves?

Notre projet global, qui porte sur les compétences émotionnelles et relationnelles des élèves, est une façon de garder ce cap, incitant les enseignants à sortir de la seule dimension scolaire pour mieux y revenir. Pendant plusieurs mois, par crainte des échéances et de la baisse de niveau des élèves, les enseignants s’étaient concentrés sur les apprentissages scolaires, c’est pourquoi il m’a fallu redonner une place aux activités culturelles, ludiques et extrascolaires en rappelant qu’un peu de retard sur le programme n’était pas grave, d’autant que les élèves ont acquis un bagage de nouvelles compétences depuis mars 2020.

Le modèle «à distance» permet-il de voir autrement le numérique, notamment au niveau des collaborations?

J’avais proposé aux enseignants des réunions via Teams autour d’un projet touchant à l’évaluation, mais j’ai vite compris qu’ils n’étaient pas partants. Ils veulent des rencontres en présentiel, et j’avoue que moi aussi. Même si les nouvelles technologies m’intéressent, je ne suis pas très convaincue des échanges via l’outil informatique, sauf rares exceptions, et je préfère multiplier les séances en petits groupes. Pendant la période de fermeture des écoles, j’ai trouvé que les enseignants avaient fait preuve d’une grande créativité, y compris sur le plan du numérique, et maintenant il s’agit de réfléchir à la façon dont il peut être mis au service du pédagogique en classe, mais sans précipitation.

Votre vision de l’école semble très positive. Percevez-vous néanmoins des failles dans le système?

Je suis d’avis qu’il y a un manque de ressources au cycle 1 et je regrette que les élèves ne puissent pas être davantage accompagnés de la 1H à la 4H. J’ai l’impression que les difficultés observées ensuite pourraient être moindres avec un encadrement plus précoce. A côté de cela, je déplore le manque de temps pour permettre aux élèves de développer leurs capacités transversales, car elles sont mises en avant dans le PER, mais l’intégration dans les branches n’est certainement pas suffisante, sans plage spécifique.

Quand j’interroge les élèves sur l’école, la plupart souhaiteraient au moins un espace de liberté et de passion dans le programme. Y seriez-vous favorable?

Cela serait assurément bénéfique pour les élèves, même si je pense que la plupart des enseignants n’hésitent fort heureusement pas à sortir occasionnellement du cadre. Une telle période incluse dans la grille horaire pourrait aider certains jeunes enseignants ou ceux qui sont dans les degrés concernés par les examens cantonaux à moins ressentir la pression des objectifs à atteindre.

Si vous aviez une baguette magique, quel serait votre vœu?

J’enlèverais l’évaluation par les notes, ce qui est complètement utopique, car enseignants, élèves et parents ne sont pas prêts pour un tel changement. Sans les échéances, on pourrait pourtant avancer plus facilement au rythme des élèves et des projets.

De manière moins utopiste, doseriez-vous l’évaluation un peu autrement?

Oui et j’avais du reste grandement apprécié le discours officiel des autorités scolaires après la fermeture des écoles en mai 2020, insistant sur le fait de ne pas mettre la pression sur les résultats. Alléger le stress lié à l’évaluation augmente l’envie d’apprendre et diminue la peur de l’échec, donc c’est un pari gagnant.

Aussi passionnant que soit le métier d’enseignant, il est exigeant et peut mener à l’épuisement. Quelles sont selon vous les caractéristiques nécessaires pour l’exercer aujourd’hui?

Ayant accueilli des stagiaires alors que j’étais praticienne-formatrice, j’avais pu me faire une idée du profil pour devenir enseignant. Je dirais qu’il faut un bon équilibre personnel, une relative cohérence entre ce que l’on dit et ce que l’on fait et savoir se positionner. Si l’on a une posture assez assurée, on résiste mieux aux remises en question des parents et des élèves. Ce sont des compétences qui se travaillent et se développent, cependant il faut les avoir en partie avant de débuter dans le métier, autrement c’est trop difficile à gérer. L’accompagnement offert par la HEP-VS lors de la première année d’enseignement via le cours d’introduction à la profession et les échanges sur le terrain entre collègues me semblent essentiels. Les jeunes enseignants au sortir de leur formation demandent facilement de l’aide, ce qui me semble réjouissant, mais peut-être qu’il faudrait intensifier le croisement des regards lors de cette entrée dans la profession.

Propos recueillis par Nadia Revaz

 

pdf Lien vers le pdf de l'article