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Patrice Moret et Nicolas Theux ou la direction de la 1H à la 11CO

Le passage du primaire au CO semble moins abrupt qu’autrefois. Certes, mais quelle perception en ont les directeurs? Au vu des contours des directions en Valais, chaque situation régionale apporterait son lot de particularités, aussi voici un double regard. 
 
 

 Patrice Moret et Nicolas Theux

Patrice Moret et Nicolas Theux, les deux directeurs de l’école obligatoire à Martigny

Après un CFC d’ébéniste et deux ans de pratique en Suisse alémanique, Patrice Moret s’est formé à l’Ecole Normale et a enseigné à Saint-Maurice puis à Martigny (en ville et à Martigny-Bourg), obtenant ensuite un CAS en sciences de l’éducation. Les jalons qui ont conduit Nicolas Theux à devenir enseignant au CO sont les suivants: maturité pédagogique à Sion, brevet de maître d’éducation physique à Lausanne et diplôme pour l’enseignement secondaire en mathématiques et en sciences à Fribourg. Pendant plusieurs années, il a été directeur adjoint au CO Ste-Marie, dont la bâtisse a été démolie pour devenir juste à côté le CO d’Octodure en 2015. Dès leurs premiers pas dans l’enseignement, Patrice Moret et Nicolas Theux n’auraient pas échangé leur poste, le premier se sentant plus à l’aise avec les élèves du primaire et le second avec les ados du CO.

REGARDS CROISÉS 

A vos débuts dans l’enseignement, quel était votre regard sur la verticalité? Est-ce le même que celui que vous avez aujourd’hui en tant que directeur?

Patrice Moret: Alors que j’étais enseignant, j’avais l’impression d’être dans le monde des écoles primaires, et d’en observer au loin un deuxième autour du secondaire I, un troisième autour du secondaire II général, d’un quatrième autour des apprentissages et d’un cinquième autour de la formation tertiaire. J’ai la sensation que la situation a quelque peu évolué, tout particulièrement pour ceux qui enseignent en 8H et en 9CO et sont dans des espaces plus ouverts. De mon point de vue de directeur, aujourd’hui je vois surtout ce qui nous réunit, estimant qu’à l’école obligatoire nous sommes dans la même barque.

Nicolas Theux: La continuité est pour moi aussi plus évidente en étant directeur. Même si sur le plan cantonal il y a des décloisonnements entre la CODICOVAR (ndlr: Conférence des directeurs des cycles d’orientation du Valais romand) et l’AVDEP (ndlr: Association valaisanne des directeurs d’écoles primaires), j’ai l’impression qu’au niveau romand le fonctionnement commun pour le primaire et le CO de la CLACESO (ndlr: Conférence latine des chefs d’établissement de la scolarité obligatoire) contribue au changement de perspective. 

Quels sont les points forts de la verticalité entre le primaire et le CO?

Patrice Moret: La transition s’est adoucie pour les élèves en difficulté. Que ce soit au primaire ou au CO, je dirais qu’un important travail a été mené pour le suivi des élèves à besoins particuliers, même si les mesures ne sont pas toujours faciles à mettre sur pied. Cette réussite est avant tout celle de nos adjoints en charge de ce domaine et des équipes de l’enseignement spécialisé. Plus largement, la formation joue indéniablement un grand rôle dans la cohérence verticale, car les enseignants du primaire et du secondaire passent par la case HEP.

Nicolas Theux: Le Plan d’études romand a permis de revoir la coordination de la 1H à la 11CO, ce qui donne une colonne vertébrale commune, avec une progression beaucoup plus naturelle entre la 8H et la 9CO. Le PER a aussi permis le développement des capacités transversales, ce qui est important pour aider les élèves à mieux gérer le passage de l’école primaire au CO. La citoyenneté est travaillée dans nos écoles et nous avons un langage commun nous permettant de poursuivre tout ce qui a été très bien mené au primaire.

Y a-t-il des domaines dans lesquels la verticalité pourrait être meilleure?

Nicolas Theux: Assurément, sachant qu’on peut toujours s’améliorer. Je pense en particulier aux élèves en fin de 8H qui quittent une école de village et arrivent dans une structure de ville. Malgré notre volonté de rendre le CO le plus humain possible, l’adaptation pour eux peut s’avérer moins immédiate que pour les élèves déjà scolarisés à Martigny.

Patrice Moret: En ce qui me concerne, je suis d’avis que nous gagnerions à réfléchir ensemble à la manière d’évaluer les élèves, afin de dégager une ligne en partie commune.

 
Patrice Moret

«La transition s’est adoucie pour les élèves en difficulté.» Patrice Moret

Nicolas Theux

«Le PER donne une colonne vertébrale commune.» Nicolas Theux

Et plus globalement, peut-on imaginer d’autres dimensions qui mériteraient un échange entre primaire et CO?

Nicolas Theux: L’organisation spatiale des classes me semble plus flexible au primaire. Sur le plan des pratiques pédagogiques, l’accent devrait être davantage mis sur la différenciation, avec l’organisation d’ateliers même sur une période de 45 minutes, et j’ai l’impression qu’au primaire cela se réalise de manière plus spontanée.

Patrice Moret: Afin de construire une articulation encore plus solide entre la 8H et la 9CO, voire entre d’autres degrés, l’une des pistes serait d’envisager davantage de projets en commun, en favorisant l’échange d’enseignants, au-delà de la simple visite. Il y a déjà des initiatives personnelles d’enseignants, avec des collaborations articulées autour de projets ponctuels, et ce serait certainement quelque chose à intensifier.

Dans votre quotidien professionnel, dialoguez-vous régulièrement autour de sujets pédagogiques ou de situations d’élèves?

Patrice Moret: Nos écoles étant à deux pas l’une de l’autre et en raison de notre amitié, avec Nicolas nous échangeons régulièrement à propos de problématiques scolaires de manière informelle ou formelle, et même hors du cadre professionnel. Outre les fréquentes discussions bilatérales, des rencontres sont aussi régulièrement organisées avec les autres directeurs de l’arrondissement. Par ailleurs, nos adjoints respectifs jouent un rôle important, car nous ne sommes pas seuls à la direction.

Nicolas Theux: Même si nos réalités ne sont pas tout à fait comparables, puisque nos publics n’ont pas le même âge, je n’hésite jamais à partager une difficulté avec Patrice pour avoir un autre éclairage. Nos compétences peuvent s’additionner pour gérer certaines situations délicates. Avec les élèves au CO, il est parfois utile en tant que professionnel d’en savoir plus sur leur parcours au primaire, de façon à faire preuve d’une bienveillance supplémentaire, et ces échanges je les mène évidemment avec toutes les écoles du bassin-versant.

Avez-vous des projets pédagogiques ou culturels qui traversent le primaire et le CO?

Patrice Moret: Ce sont de petites choses, par exemple des jeunes du CO qui assistent au spectacle organisé par l’école primaire ou présentent un projet aux plus petits, mais davantage de synergies avec cette visée seraient bienvenues.

Nicolas Theux: Notre volonté de collaborer et de coopérer est le reflet de l’attitude de l’école valaisanne en général. Certaines de nos initiatives développées au fil des ans ont cependant été impactées par le Covid.

Nicolas, vous arrive-t-il d’envier le job de Patrice, et vice-versa, vous disant que c’est plus simple au primaire ou au CO?

Nicolas Theux: Je n’ai pas une connaissance détaillée de ce que vit Patrice au quotidien, mais il me paraît par exemple plus facile de solliciter les parents pour accompagner les élèves lors d’une journée à ski au primaire qu’au CO.

Patrice Moret: Comme les élèves au CO sont plus autonomes, cela doit faciliter considérablement l’organisation des déplacements, alors qu’au primaire il faut gérer quantité de paramètres dans les menus détails, ce qui rend tout très vite compliqué dès qu’on veut sortir du cadre.

Une école ouverte sur la ville, est-ce un horizon élargi?

Patrice Moret: Oui, car nos écoles participent régulièrement aux manifestations organisées par la ville. Cette implication est précieuse pour tout le monde, et c’est toujours avec plaisir que l’école se tourne vers l’extérieur. Au primaire, nous avons des postes d’enseignants communaux au sein de l’école, ce qui aide probablement à nouer ce lien, et la personne qui coordonne le sport contribue au rapprochement avec le CO.

Nicolas Theux: Les impulsions des milieux politiques sont utiles pour accompagner certaines activités citoyennes ou différents projets, comme le passage de la classe bilingue, de la 8H à la 9CO. La filière créée par les écoles communales primaires de Martigny arrive désormais au CO et il s’agit d’assurer la transition au mieux. Une table ronde vient d’avoir lieu à Charrat à ce propos, ce qui incite à de nouvelles réflexions. 

Patrice, comment percevez-vous la verticalité entre le préscolaire et la 1H, et Nicolas celle entre le CO et le secondaire II?

Patrice Moret: Au primaire, nous tentons d’améliorer la transition avec le préscolaire, mais cela s’avère complexe, car il y a de très nombreux interlocuteurs, dont en priorité les parents avec qui nous n’avons pas de contact avant l’entrée à l’école, et les structures de la petite enfance. De janvier à juin, nous accueillons ponctuellement des enfants qui vont commencer l’école en août et une enseignante fait de la socialisation et propose des activités pour se familiariser à l’entrée à l’école. Même si nous travaillons déjà avec le Service de la petite enfance et celui de l’intégration, nous devons encore le faire davantage en amont, avec pour objectif de trouver des solutions pour certains enfants qui n’ont pas connu autre chose qu’un écran et ont des comportements inadaptés lors de l’entrée en 1H.

Nicolas Theux: En lien avec le passage des élèves au secondaire II, chaque année je reçois les directions des trois filières, afin qu’elles viennent présenter leurs structures respectives à nos jeunes en journée et aux parents en soirée. Le fait d’avoir ces moments de rencontre, est l’occasion d’échanger à propos de la verticalité. Nous sommes toutefois plus dans la transmission d’informations que dans la volonté d’élaborer un projet pour favoriser une meilleure verticalité entre le secondaire I et le secondaire II général et professionnel. Avec l’un des collèges de Sion, nous avions collaboré pour réorganiser en partie l’apprentissage de l’allemand, car nos méthodes axées sur l’oralité s’ajustaient mal avec les méthodes plus traditionnelles utilisées au secondaire II, et de telles initiatives seraient certainement à reconduire. Le collège, se trouvant dans l’antichambre de la formation académique, doit aussi s’adapter à d’autres attentes, aussi le juste équilibre n’est pas forcément évident à trouver. Le dialogue mériterait d’être renforcé. 

Propos recueillis par Nadia Revaz


STRUCTURE

Ecoles primaires de la ville de Martigny, de la 1H à la 8H: 1650 élèves

Martigny-Ville, Martigny-Bourg, Chemin du Milieu et Charrat

Directeur: Patrice Moret

Adjoints à la direction: Karine Fardel Puippe et Nicolas Pierroz

www.ecolemartigny.ch

CO d’Octodure à Martigny: 750 élèves

Accueil des élèves des communes de Bovernier, Charrat, Finhaut, Martigny, Martigny-Combe, Salvan et Trient

Directeur: Nicolas Theux

Directeur adjoint (9CO-11CO): Michel Maillard

Directrice adjointe (10CO-ES): Aude Ogay

www.comartigny.ch

 

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