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Raphaël Pannatier, concierge au CO de Saint-Guérin à Sion

Depuis une quinzaine d’années, Raphaël Pannatier est concierge au cycle d’orientation de Saint-Guérin à Sion. Il a accepté de partager un peu de son métier et de son regard sur l’école, de l’élève qu’il était à aujourd’hui.

 

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Raphaël Pannatier dans son bureau de concierge aménagé à son goût

De peintre à concierge

Commençons par découvrir quelques jalons du parcours scolaire et professionnel de Raphaël Pannatier. Il a effectué son école enfantine et primaire dans la commune de Grimisuat, avant d’aller au CO des Collines, avec une année au Vieux Moulin. Après le CO, il hésitait à devenir plâtrier-peintre, chauffeur de camion ou peintre en carrosserie. Son choix a largement été influencé par le critère de proximité. Une fois son CFC de plâtrier-peintre en poche, il a d’abord travaillé plusieurs années dans son entreprise formatrice et a ensuite créé sa propre boîte. Au début, il travaillait seul, puis il a eu un apprenti, et l’équipe s’est encore agrandie avec un ouvrier. «J’ai adoré avoir un apprenti, parce que je pouvais lui transmettre ce que j’avais appris», commente-t-il. Son entreprise avait une bonne carte de visite, toutefois à un moment donné il avait trop de job au quotidien et une envie de changement. Un jour, il voit une annonce dans le journal et en lisant l’offre d’emploi il s’est dit que ce poste de concierge à 100% lui correspondait totalement, puisque le CO recherchait quelqu’un d’autonome, ayant une formation technique, ne craignant pas les responsabilités, se sentant à l’aise avec la jeunesse et ayant idéalement une expérience de gestion d’entreprise. Actuellement, Raphaël Pannatier a l’impression d’être un indépendant avec son équipe de nettoyage, tout en ayant la chance de se sentir très présent au sein de l’école. Ce qui lui manque toutefois par rapport à son expérience précédente, c’est la reconnaissance du métier. Et de relever: «Médiatiquement, je me souviens d’un reportage de Canal 9 sur le concierge des écoles d’Uvrier et de Salins, mais c’est extrêmement rare que l’on parle de nous et cette invisibilité est parfois un peu pesante.»

«Le concierge, un peu caméléon ou gecko, doit s’adapter.»
Raphaël Pannatier

Engagé alors que Jean-François Guillaume était directeur du CO, il a ensuite travaillé avec Nicole Couturier puis Alain Wirthner, en poste depuis la rentrée 2018. «Avec chaque directeur, c’était une ambiance différente, et le concierge, un peu caméléon ou gecko, doit s’adapter», constate Raphaël Pannatier, tout en montrant son tatouage sur l’avant-bras. Et d’ajouter, argumentant en faveur de la convivialité: «Selon moi, la base de tout travail, c’est de discuter avec ses interlocuteurs et d’être à l’écoute de leurs besoins, afin de chercher ensemble les meilleures solutions.»

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Avec le mythique trousseau de clés du concierge et l’agenda du CO

Un travail varié

Le quotidien du concierge est varié et laisse place aux imprévus. En arrivant en poste, il a remanié les horaires, les techniques de travail et les produits, privilégiant ceux qui sont biodégradables. Le nettoyage est effectué en après-midi et se termine à 18h30. «Cinq femmes font actuellement partie du personnel sous ma responsabilité et elles font un job qui mérite vraiment un coup de chapeau», insiste Raphaël Pannatier, qui lui s’occupe des extérieurs. Pour toute l’équipe, le pic de l’activité a lieu durant trois semaines pendant l’été, avec là le grand ménage du sol au plafond. En tant que responsable technique, pour les travaux importants, le concierge contacte les entreprises sédunoises, demande les devis et, selon les montants, les soumet pour décision et signature à l’administrateur qui gère cela ensuite avec le comptable, puis il planifie et organise leur venue pendant les périodes des congés scolaires. Clin d’œil à son ancien métier, il a redonné une couche de peinture dans plusieurs bureaux, dont le sien, et a par exemple repeint un mur dans la salle de dessin afin que la surface soit aimantée. Etant bricoleur et débrouille, il gère d’autres petits travaux. Dans son taux d’activité, il fait aussi partie des personnes qui s’occupent de la surveillance des repas de midi avant l’étude. «Cette année, je mange avec les 9e et l’année passée c’était avec les 11e, car chaque surveillant les suit en général sur les trois ans et je considère comme assez exceptionnel d’avoir ce contact humain en tant que concierge», explique Raphaël Pannatier. Cette tâche l’enthousiasme: «Ainsi mon job ne se limite pas à nettoyer, ranger, entretenir et réparer.»

Dans les vastes sous-sols du CO, le concierge conserve du matériel et du mobilier, car il estime important de ne pas gaspiller et quelquefois de pouvoir en faire don plutôt que d’aller à la déchetterie. Sensible à l’écologie, il a, avec l’accord de la direction, placé dans chaque classe des caisses à papier à côté des poubelles, cependant il constate que le tri n’est pas encore toujours bien effectué.

A l’image des deux directions des CO régionaux de Sion, Raphaël Pannatier a tissé des liens avec son collègue du CO des Collines. De leur propre initiative, les deux concierges se rencontrent régulièrement et partagent leurs soucis. «Avec deux directions qui semblent bien s’entendre, mais un seul administrateur et un seul comptable, les deux CO sont moins en concurrence que lorsque je suis arrivé, ce que j’apprécie, car j’ai un esprit plutôt collaboratif», souligne Raphaël Pannatier. Il suppose que le fait que son directeur Alain Wirthner était un ancien enseignant au CO des Collines aide en partie à la création de synergies.

 

Raphael Pannatier portrait«J’aime travailler en étant entouré d’ados.»
Raphaël Pannatier

INTERVIEW

En tant qu’élève, comment avez-vous vécu votre scolarité?

Je n’ai jamais aimé l’école, parce que j’avais l’impression d’être enfermé dans une salle de classe. Etre tout le temps statique et attentif était mission impossible pour moi. Après, en formation professionnelle, c’était plus agréable, car j’apprenais un métier et ses techniques en bougeant.

Et aujourd’hui, comment percevez-vous votre école?

J’aurais adoré apprendre à l’extérieur comme cela s’organise quelquefois aujourd’hui. J’ai donc défendu avec enthousiasme le souhait de deux enseignantes qui voulaient des chaises adaptées pour aller faire cours en extérieur. Quand je vois la prof de dessin qui ramasse des feuilles et fait dessiner les élèves dehors, cela me paraît juste génial. Avec le passage au système à niveau au CO, les salles de cours se ressemblent toutes, et je suis sûr que certains élèves aimeraient avoir un environnement plus coloré et plus personnalisé, avec par exemple un canapé et des portes repeintes. Pour l’élève de 9e année qui arrive au CO, cette froideur n’est pas rassurante. Quand on entre dans les classes d’adaptation où les élèves ne changent pas de salle à chaque intercours, on sent que c’est leur classe et pas une classe, ce qui est bien plus agréable.

Dans votre parcours d’élève, avez-vous des souvenirs de concierges d’école?

Je me souviens de «mon» concierge à l’école primaire de Grimisuat. Il était vraiment présent, aussi sur le terrain de foot en dehors de la journée scolaire. C’était quelqu’un de très ouvert à la discussion, mais qui nous engueulait de temps à autre. Les élèves avaient un grand respect pour lui et aussi pour sa femme qui était tellement gentille. Je m’identifie assez à ce monsieur.

Est-ce qu’être concierge d’école c’est un peu pareil que concierge d’immeuble ou dans un EMS?

Même si le travail en soi est le même, je n’ai pas cette impression. Chaque endroit a son ambiance et pour l’essentiel c’est ce qui fait qu’on s’y plaît ou pas. J’ai parfois eu des discussions avec un collègue à l’école primaire et un autre au collège et ils ne racontaient pas du tout les mêmes anecdotes. C’est donc encore très différent selon les degrés de la scolarité. Personnellement, je ne changerais pas, car j’aime travailler en étant entouré d’ados. Peut-être qu’il y a un peu plus de déprédation sur un paquebot-CO, mais depuis que je vais avec l’un des proviseurs dans les classes en début d’année pour me présenter aux élèves de 9e, je remarque que c’est moins problématique. Je profite de cette occasion pour leur parler du respect à avoir envers mes collaboratrices, le mobilier et les toilettes, tout en leur rappelant que les ascenseurs sont réservés aux enseignants.

 

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Raphaël Pannatier devant le CO de Saint-Guérin

Quel contact avez-vous avec les jeunes?

J’ai toujours eu un bon feeling avec les enfants et les adolescents. Quand j’étais indépendant, je prenais une semaine de congé en hiver pour aller skier avec les élèves à Grimisuat. Ici, au début, mon bureau était en plein centre du bâtiment principal et j’avais presque l’impression d’être une sorte de médiateur bis. Aujourd’hui, des jeunes viennent encore me voir en pleurant à chaudes larmes pour une angoisse, un malaise ou un mal-être, cependant c’est moins fréquent. Je les écoute sans les juger et en essayant de les comprendre. J’essaie toujours de me mettre à leur place et de les apaiser, en ayant un mot rigolo pour détendre l’atmosphère. N’étant pas enseignant et totalement neutre, j’ai une relation plus cash avec eux, mais dès que ce qu’ils me confient est lourd, je les oriente vers les «vrais» médiateurs ou les proviseurs qui eux sont des professionnels.

Quel regard portez-vous sur la jeunesse actuelle?

Je trouve que nous avons une belle jeunesse, mais certains ont des parcours individuels bien compliqués. Avec le temps, j’ai appris à prendre de la distance, car leurs histoires personnelles sont parfois très émouvantes.

Observez-vous une évolution entre la 9CO et la 11CO?

En 9e, quand les élèves arrivent ce sont encore des enfants, en 10e ce sont des pré-ados, et en 11e ce sont des ados, et même de jeunes adultes pour certains. Lorsque mes enfants étaient ici au CO il y a quelques années, ils se fondaient dans la masse des 650, tant cette évolution est globale. Depuis mon arrivée au CO, le grand changement dans leur comportement est lié au téléphone portable.

Y a-t-il un moment de l’année que vous préférez?

Dans une école on ressent très clairement les différentes saisons. Avant les vacances de Carnaval, c’est toujours chaud, avec une ambiance plus électrique. Chaque année, au printemps, c’est trop mignon d’observer les petits couples de moineaux amoureux qui se forment. A la fin de l’année, les profs sont fatigués, ce que je comprends parce que c’est un job stressant, tandis que les élèves sont soit euphoriques soit nostalgiques.
 

Auriez-vous aimé être prof?

Selon moi, c’est un métier qui nécessite d’avoir la vocation. Reste que je me serais bien vu en prof de sport, mais je n’étais pas scolaire, donc je ne peux pas regretter.

A vous entendre, l’école est toujours trop scolaire…

A mon goût, oui. J’organiserais des activités qui rapprocheraient les élèves des métiers, avec des ateliers pratiques, quelques heures par semaine. Toute la journée, ils sont assis et doivent rester concentrés, sauf si les élèves ont des enseignants qui pensent également à ceux qui ont besoin de mouvement pour apprendre.

Est-il arrivé qu’un élève vienne vous voir pour demander des infos sur votre métier?

Oui, il y a par exemple un élève qui avait fait un stage auprès d’un concierge et qui était venu me dire que j’avais un job trop cool. Du coup, quand il faisait des petites bêtises, je lui rappelais que lorsqu’il serait concierge, il n’apprécierait pas trop certains comportements et cela avait créé une complicité entre nous.
 

Propos recueillis par Nadia Revaz