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Natascha Farquet, secrétaire des écoles primaires de Martigny

Natascha Farquet est secrétaire de direction à 80 % pour les écoles de Martigny, ce qui englobe les centres scolaires de la Ville, du Bourg, du Milieu ainsi que de Charrat depuis la fusion. Le secrétariat est au cœur d’un bateau qui accueille environ 1700 élèves et 145 enseignants.

Elle partage le bureau avec une collègue travaillant à 40 % et un apprenti. Cette toute petite équipe au cœur du bâtiment où se situe la direction à Martigny-Ville est sollicitée de toutes parts, au guichet, au téléphone, par courriel, en direct via l’une des deux portes…

«Le secrétariat est un centre névralgique et les tâches sont dès lors multiples.»
Natascha Farquet

Le parcours de Natascha Farquet a de quoi impressionner à plus d’un titre et la persévérance est assurément une valeur qui la caractérise. Très jeune, elle s’inscrit à l’aïkido puis au tir, dans le but de mettre toutes les chances de son côté pour atteindre son objectif, toutefois son projet ne s’est pas réalisé exactement comme elle l’avait imaginé.

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Natascha Farquet dans son bureau

Natascha Farquet a effectué son école enfantine aux Neuvilles et ses classes primaires à Martigny-Ville. Elle est ensuite allée au CO de Ste-Jeanne-Antide, puis a poursuivi, toujours à Martigny, sa formation à l’école supérieure de commerce, uniquement pour avoir un diplôme afin de prendre l’orientation désirée. Remplissant les conditions, elle a frappé à la porte des écoles de police dans plusieurs cantons, mais sans succès lors des entretiens après les examens. Lorsqu’elle a appris que l’armée recrutait des femmes et estimant que ce serait une bonne piste pour s’accrocher à son rêve, elle est sélectionnée et fait son école de recrue dans une section de sauvetage à Genève, l’une des premières compagnies acceptant les femmes. Les premiers jours, machisme oblige, elle a bien cru que ce serait mission impossible, toutefois progressivement ça s’est bien passé. Le major de cette troupe l’a ensuite convaincue de rester dans l’armée, alors qu’elle n’avait évidemment pas perdu de vue sa cible. La marche suivante fut l’école de sous-officiers. «Avec ma petite voix et ma frêle carrure, je ne me voyais pas dans la peau d’un leader, mais j’ai adoré manier divers engins en cas de feu, d’inondation, de tremblement de terre ou d’autres catastrophes», raconte-t-elle. A la suite de cette formation, elle avait sous ses ordres une section de 18 hommes et 2 femmes. Chaque sous-officier avait par ailleurs une fonction et la sienne consistait à prendre la place du lieutenant en cas d’absence. De manière totalement improbable, ce dernier ayant dû remplacer le commandant de compagnie, elle s’est retrouvée lieutenant pendant quelques mois. Elle garde un bon souvenir de cette expérience et de la cohésion de l’équipe. Lors d’une journée des parents, une personne qu’elle avait côtoyée lors de ses entraînements en aïkido l’a informée que les garde-fortifications engageaient enfin des femmes et là rebelote pour des mois de formation. Devenue policière militaire mobile, elle a alors eu pendant quelques années comme mission la protection d’installations tenues secrètes ou la conduite de personnalités suisses et internationales, dont Pascal Couchepin, alors conseiller fédéral. Lors d’une journée dans le cadre de Payerne Air’04 où elle était affectée à la protection des F/A-18, dans un hélicoptère alors qu’elle prenait des photos, une personne recherchant des femmes pour la police militaire territoriale lui a signalé l’existence de cette formation lui permettant d’apprendre le droit militaire. Elle a été en poste à Bière et à Genève principalement. A noter qu’elle a aussi fait partie de l’équipe suisse de tir, sa passion. Sur internet, en tapant dans un moteur de recherche son nom de jeune fille, à savoir Möri, en quelques clics l’on mesure l’étendue de ses talents et exploits en tant que sportive d’élite. En 2011, elle a participé aux Jeux olympiques militaires à Rio et en est revenue avec la médaille de bronze au tir au pistolet 22lr sur 25m.

Après cette belle carrière dans l’univers militaire et sportif et ne parvenant pas à décrocher le poste qu’elle convoitait, elle a mis la priorité sur le retour en Valais. Son ancien commandant, avec qui elle avait effectué une mission à Davos, lui a donné sa chance en tant que secrétaire au Centre logistique de l’armée à Saint-Maurice. A la suite d’une restructuration, elle a été engagée comme secrétaire-comptable dans une entreprise privée à Monthey quelques mois, et en 2014 elle a postulé aux écoles de Martigny. Maman depuis peu, elle est en outre impliquée dans la Constituante du canton du Valais.

 

Natascha Farquet portrait
«Avec ma petite voix et ma frêle carrure, je ne me voyais pas dans la peau d’un leader.»
Natascha Farquet


INTERVIEW

Quel genre d’élève étiez-vous?
J’étais renfermée, rêveuse et très tête en l’air.

Avez-vous de bons souvenirs de l’école et des enseignants?
Pas trop. Au primaire, pendant deux années, j’avais énormément apprécié Pascal Theux qui m’a presque fait aimer l’école. Au CO, c’était un peu la galère, car j’ai subi du harcèlement. Heureusement quelques enseignants croyaient en moi et essayaient de me soutenir. Ayant demandé à refaire ma dernière année, ce choix m’a permis non seulement d’améliorer mes notes, ce dont j’étais fière, car j’avais fait des pieds et des mains pour être en niveau 1 en français et en allemand, mais aussi de vivre une année scolaire plus agréable. A l’école supérieure de commerce, un prof, très strict et pas du genre complaisant, m’a encouragée à me dépasser en dernière année, alors même que j’avais manqué pendant une longue période l’école, ayant été victime d’une mononucléose. Il m’a promis qu’il me soutiendrait si j’optais pour l’annualisation de mes notes plutôt que de redoubler et il ne m’a pas lâchée. En trimant, j’ai réussi.

Votre préférence pour les enseignants faisant preuve d’autorité et d’exigence correspondait-elle à votre éducation?
Non, mes parents cherchent encore à comprendre ma personnalité.

A votre arrivée au secrétariat des écoles de Martigny, comment vous êtes-vous intégrée dans cet univers?
J’ai été bien accueillie malgré mon CV qui aurait pu faire peur. Lorsque Patrice Moret a été engagé pour remplacer le directeur Raphy Darbellay, le changement s’est déroulé dans la continuité, même si leurs caractères sont très différents.

Comment résumeriez-vous votre travail au sein du secrétariat?
C’est un centre névralgique et les tâches sont dès lors multiples. Nous sommes au service de la direction et dans le même temps des personnes ressources pour les enseignants, les élèves, les parents, la commune, etc. On assure le suivi administratif des demandes des enseignants au niveau du matériel, de l’informatique, des postulations, des entretiens, des engagements, des créations de comptes sur ISM, du processus d’accueil, des remplacements, etc. Avec la direction et en collaboration avec la commune, on crée par exemple les listes de classe pour l’année suivante, on rassemble les noms de tous les élèves qui seront en âge de scolarité à la rentrée et on gère leur répartition dans les écoles en fonction des lieux de domicile, on s’occupe de la coordination administrative de tous les centres, etc. Avec la conciergerie, on organise les réparations, les dépannages, etc. Au niveau externe, il y a toutes les personnes qui déménagent, ce qui implique des interactions avec d’autres directions et secrétariats d’école, avec les bureaux des réfugiés, avec l’Office de la protection de la petite enfance si un enfant doit être placé. Et il y a le contact fréquent avec le Service de l’enseignement. Au quotidien, le travail régulier, composé de tâches fixes, mais à chaque fois particulières, est constamment entrecoupé d’imprévus qui rendent le job motivant et captivant.

Assurez-vous la formation d’apprentis?
Je suis devenue formatrice en entreprise et référente, aussi j’accueille des apprentis, tout en suivant l’un ou l’autre plus particulièrement. Certaines et certains qui travaillent dans le bureau sont affiliés à d’autres formatrices, puisqu’à Martigny les jeunes ont l’opportunité de voir différents services sur les trois ans de formation.

Collaborez-vous régulièrement avec le secrétariat du CO de Martigny?
Nous avons un lien de proximité et sur certains dossiers nous collaborons très étroitement.

Les compétences acquises à l’armée vous sont-elles utiles dans votre job?
La gestion du stress à l’armée n’a rien à voir avec la pression en contexte scolaire, mais dans les deux cas il faut être prêt à réagir et à trouver une solution. Dans mon parcours militaire, j’ai toujours bénéficié d’une grande marge d’autonomie et ici aussi. Sans cette capacité, ce travail serait vite impossible.

Echangez-vous régulièrement avec les enseignants et les élèves?
Oui, et ce sont des moments agréables. Avec les élèves perdus, oubliés ou blessés, j’ai une relation un peu différente qu’avec un enfant qui vient juste poser une question. J’ai parfois pris des élèves dans mes bras pour les réconforter en leur donnant un mouchoir et un chocolat. Il arrive qu’on accueille un enfant trop turbulent pendant un petit moment pour qu’il donne des petits coups de main au secrétariat. Beaucoup d’enseignants sont aussi venus rire ou pleurer dans ce bureau.

Qu’aimez-vous le plus dans votre job?
Mon travail est très diversifié, aussi j’apprends tous les jours et c’est ce qui me plaît. J’apprécie la confiance qui m’est accordée. J’ai l’impression d’être en famille, tant l’ambiance est décontractée. La direction est avec nous, aussi nous travaillons ensemble, dans un esprit de bienveillance.

Qu’est-ce qui vous agace ou vous angoisse parfois?
Comme dans toute administration, tout met beaucoup de temps à évoluer. J’ai parfois la crainte d’une spécialisation des tâches et d’une perte de liens.

Quel regard avez-vous aujourd’hui sur l’école et sur les enseignants?
J’aime l’école dans laquelle et pour laquelle je travaille. Les enseignants font du mieux qu’ils peuvent et je trouve leur écoute du mal-être de certains élèves meilleure qu’autrefois. Avec les nouveaux enseignants, j’ai parfois l’impression qu’ils ont été bien formés, mais pour une classe avec des élèves modèles qui en réalité n’existe pas. Là, je fais le lien avec l’armée et je pense qu’avec une formation les mettant plus en situation de stress, les enseignants auraient une plus grande capacité pour affronter les difficultés, sans risquer à tout moment le burn-out. Certes, à l’armée, ma résistance était parfois mise à rude épreuve, mais là on est trop dans la bienveillance extrême. Il y a un juste milieu à trouver. De ce que je constate, les enseignants manquent d’outils pour gérer les enfants qui ne rentrent pas dans le cadre et ils sont plus individualistes, ce qui en toute logique les fragilise.

Auriez-vous un souhait pour le secrétariat?
J’aimerais beaucoup accueillir régulièrement un ou une stagiaire MPE pour faire face à l’augmentation constante de la masse administrative.

Propos recueillis par Nadia Revaz


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