L’école italienne racontée par Caterina Gallicchio et Agnese Lupo
En Valais, diverses communautés étrangères organisent des cours de langue et de culture d’origine (LCO). Dans la liste, il y a l’école italienne gravée depuis des décennies dans l’histoire du canton.
Agnese Lupo et Caterina Gallicchio
Caterina Gallicchio et Agnese Lupo, qui enseignent l’italien en dehors de l’horaire scolaire aux élèves du primaire, nous dévoilent un pan de cet autre cœur battant de l’école valaisanne. Et si le choix pour figurer dans cette rubrique s’est porté sur cette langue latine, tellement proche du français tout en ayant des accents plus chantants, c’est parce que c’est notre troisième langue nationale, même si d’aucuns ont tendance à l’oublier. A noter que certains élèves originaires du Tessin profitent de cette offre de cours.
Caterina Gallicchio est venue en Valais à la suite de son mariage. Enseignante de formation (maestra elementare), c’est en amenant son fils au cours d’italien qu’elle a songé que ce job serait idéal pour elle. Elle a donc envoyé son curriculum vitae au Consulat d’Italie. Engagée par le CPSI (cf. encadré), elle a d’abord travaillé dans plusieurs endroits (Monthey, Saxon et Crans-Montana). Aujourd’hui, elle enseigne à Sion dans cinq classes et à Martigny dans trois classes. Quant à Agnese Lupo, elle a rejoint son mari, enseignant à Sierre. Tout en ayant un diplôme universitaire en relations internationales, elle n’a pas tout de suite cherché une activité professionnelle et c’est aussi lorsque ses enfants ont commencé l’école italienne qu’elle a envisagé cette piste. Il y a trois ans, elle a ainsi fait ses premiers pas avec une collègue désormais à la retraite. Actuellement, elle donne les cours à Sierre dans six classes.
La passion de la transmission comme maître-mot
Toutes deux ont un maître-mot en commun, à savoir la passion de la transmission. «J’aime pratiquer ma langue et essayer de donner, dans un esprit collaboratif, le plaisir d’apprendre l’italien à mes élèves», s’enthousiasme Caterina Gallicchio. Agnese Lupo poursuit, avec la même flamme: «Tout en me sentant vraiment bien en Suisse, j’ai emporté avec moi une autre origine, aussi j’adore partager avec les enfants la richesse de ma langue et de ma culture dans le cadre d’une ambiance agréable.»
«Tels des coachs, les élèves qui ont quitté l’Italie récemment
aident ceux qui sont moins à l’aise avec la langue.»
Caterina Gallicchio
«J’adore partager avec les enfants
la richesse de ma langue et de ma culture.»
Agnese Lupo
Les cours d’italien sont donnés dès la 3H jusqu’à la 11CO. Une fois leur scolarité italienne terminée, les élèves ont la possibilité de participer aux examens de certification européenne (certificat CELI) se déroulant à Lausanne, ce qui leur donne une possibilité de valoriser leurs efforts extrascolaires. Pour Caterina Gallicchio et Agnese Lupo, même avec seulement 2 heures de cours par semaine, ce temps permet de créer un lien fort avec l’italien, pour autant que les familles complètent les notions élémentaires acquises en classe. Sous la conduite d’un directeur scolaire, l’enseignement dispensé à l’école italienne s’appuie sur un programme (POF) et des moyens d’enseignement servent à accompagner les apprentissages, avec un suivi des notes et des absences sur une plateforme en ligne.
Comme partout à notre époque, avec les nouvelles technologies et les possibilités de traduction instantanée, les deux enseignantes doivent déployer plus d’énergie pour parvenir à motiver les élèves. Caterina Gallicchio et Agnese Lupo ont parfois deux degrés, 3H et 4H par exemple, dans une même classe et dans tous les cas la différenciation est au centre de leur pratique professionnelle. «En ce moment, j’ai des groupes avec majoritairement des élèves italophones, du fait qu’il y a eu une vague d’arrivée d’Italiens en Valais ces dernières années, et cela est bénéfique pour tous les enfants, car très vite ceux qui sont exclusivement francophones entrent dans la langue», commente Agnese Lupo. Sa collègue Caterina Gallicchio souligne la difficulté plus grande qu’il n’y paraît des «francesismi», mais aussi la capacité des enfants à comprendre rapidement les mécanismes linguistiques des deux langues et à tenter la création de mots. Elle ajoute: «En ayant des groupes mélangés avec des élèves issus de l’immigration depuis plusieurs générations, tels des coachs, ceux qui ont quitté l’Italie récemment aident ceux qui sont moins à l’aise avec la langue, ce qui fait qu’au final ces différences de niveaux ne sont pas un handicap.» Et là elle évoque un récent dialogue très riche qu’elle a mené avec une élève venant d’arriver d’Italie et dont ont pu profiter les autres élèves du groupe.
La culture a également beaucoup d’importance dans le cadre de ces cours LCO. Ainsi que le note Agnese Lupo, une collaboration a par exemple été mise sur pied au cours de l’année scolaire passée avec la commune de Sierre en lien avec un projet dénommé Notre Terre. En 2022-2023, il y avait aussi un événement qui se prêtait parfaitement à cette découverte culturelle, avec le passage en Valais du Giro d’Italia. Caterina Gallicchio cite également la création de multiples synergies avec l’Association des parents AGIS (Associazione Genitori Italiani di Sion e dintorni), dans le cadre de pièces de théâtre notamment, ou avec la Colonie italienne. A l’école, tant Caterina Gallicchio qu’Agnese Lupo proposent régulièrement des «canzone» (chansons). «Nos élèves, surtout au retour de vacances en Italie, sont fiers de leur double culture», lancent-elles à l’unisson. Toutes deux ont dans leur salle de cours une carte d’Italie qui permet à chacun de montrer la région d’où il vient et celles qu’il a visitées.
Manuels scolaires utilisés à l’école italienne
Les deux enseignantes ne verraient pas d’un mauvais œil la création de quelques liens avec la scolarité obligatoire valaisanne et avec les professeurs de la langue de Dante au collège, puisqu’à ce degré l’italien figure dans le programme de formation de certains étudiants. Elles sont d’avis que cela ferait d’autant plus sens que l’italien est la troisième langue nationale suisse et qu’elle mériterait donc une attention particulière, même si elle occupe un espace minoritaire au niveau national. «En arrivant en Suisse, j’ai été très surprise de voir l’importance accordée à l’apprentissage de l’allemand et de l’anglais et l’inexistence de l’intérêt envers l’italien», déplore Caterina Gallicchio. A ses yeux, une sensibilisation à la langue italienne devrait concerner tous les élèves valaisans de la scolarité obligatoire. Agnese Lupo poursuit la réflexion: «Le Valais développe une belle offre d’échanges linguistiques avec le Haut-Valais et la Suisse allemande, toutefois je suis toujours étonnée de voir que l’italien n’a pas une réelle place dans ces programmes, alors que le Tessin fait partie du pays.» A bon entendeur.
Nadia Revaz
Le Comité pro école italienne à Lausanne, organisation privée à but non lucratif liée au Consulat général d’Italie à Genève, gère des cours de langue et de culture italienne, qui sont organisés dans la circonscription consulaire des cantons de Vaud et du Valais.
Società Dante Alighieri
La Società Dante Alighieri du Valais, une des 500 «Società Dante Alighieri» présentes dans le monde entier, organise des événements culturels (concerts, conférences, théâtre, expositions…) tant en langue italienne qu’en langue française.