«Teach outside the box!», la créativité par des étudiants HEP-VS
Introduction d'Amalia Terzidis
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Article 2: L’écriture créative par Gaëtan Karlen & Maitena Rais |
Introduction
«Teach outside the box!» Sous ce titre, qui reprend l’expression de «penser hors de la boîte» en l’appliquant à l’enseignement, se cache un cours interdisciplinaire qui se penche sur les questions de créativité et d’innovation en éducation.
En effet, dans un monde en constantes mutations, aux défis toujours plus complexes, où les connaissances et l’accès à celles-ci évoluent de façon exponentielle, l’enseignement et l’apprentissage sont amenés à évoluer rapidement, à se transformer, pour répondre aux besoins sociétaux, individuels et collectifs. La créativité, comprise comme la capacité transversale à générer de nouvelles idées, adaptées au contexte, représente une clé fondamentale, du côté des enseignantes et des enseignants comme du côté des élèves, pour être à même de s’adapter, d’innover, de répondre aux situations évolutives, de trouver des manières nouvelles et adaptées d’enseigner et d’apprendre, tout au long de la vie.
«Ce module de formation tente de donner quelques outils et repères
aux futurs enseignants pour comprendre comment la créativité fonctionne.»
Amalia Terzidis
Ce module de formation tente donc de donner quelques outils et repères aux futurs enseignants pour comprendre comment la créativité fonctionne, en quoi elle peut être mobilisée à l’école et comment, afin de dégager des pistes concrètes pour leurs pratiques.
Dans ce cadre, les étudiants sont amenés à choisir parmi plusieurs projets personnels à développer, et l’un d’eux consiste en la rédaction de courts articles pour synthétiser leurs connaissances et les transférer dans des pistes concrètes de pratiques en classe. C’est donc ce que vous proposent un étudiant et une étudiante ce mois-ci, en ligne.
Pour plus d’informations, ou pour aller plus loin, n’hésitez pas à nous contacter:
Amalia Terzidis
Professeure et chargée d'enseignement
Team Leader «créativité, transformations et innovation en éducation»
Article 1 : Enseignement et apprentissage créatifs
Sortir des sentiers battus tout en s’assurant que les élèves consolident leur apprentissage aussi bien que si l’on suivait la méthode des manuels scolaires ne va pas de soi. Il s’agit de trouver un équilibre permettant de concilier le programme scolaire et une approche créative de l’enseignement et de l’apprentissage. Cette démarche, bien qu’elle demande un engagement de l’enseignant et des élèves, révèle de nombreux bénéfices dans le processus d’apprentissage.
Avant d’aller plus loin, précisions tout de même que dans cet article, la créativité n’est pas liée à des compétences artistiques. Elle est la «capacité à proposer de nouvelles solutions, de nouvelles visions pertinentes des choses» (Taddéi, 2010). A partir de cela, nous pouvons distinguer l’enseignement créatif et l’apprentissage créatif. L’enseignement créatif se situe du point de vue de l’enseignant. Ce dernier doit parvenir à sélectionner les aspects essentiels de l’apprentissage tout en utilisant une méthode différente, plus ouverte. L’enseignement créatif se définit comme «l’utilisation d’approches imaginatives pour rendre l’apprentissage plus intéressant et plus efficace» (Didier, J. et Bonnardel, N., 2020). Il met les élèves au centre de leur apprentissage et «se caractérise par un enseignement qui donne la priorité aux stratégies qui engagent l’apprenant à s’investir dans les apprentissages de façon créative» (Didier & Bonnardel, 2020). L’apprentissage créatif se rapporte, quant à lui, à ce que font concrètement les élèves. On s’intéresse à l’apprentissage qu’ils effectuent ainsi qu’à leurs visions des choses. De plus, l’apprentissage créatif «vise également le développement de la pensée créative en valorisant les idées, les pensées et les produits créatifs.» (Didier & Bonnardel, 2020). On va privilégier l’autonomie des apprenants. Il s’agit donc de proposer des activités valorisantes et innovantes à ces derniers. Il faut que les élèves puissent travailler sur leur ouverture d’esprit et sur leur imaginaire. Les exercices ou activités proposées se doivent d’offrir une certaine marge de liberté aux apprenants. Nous nous écartons donc des exercices dits classiques qui attendent une réponse unique et prédéterminée.
Notons également que l’enseignement créatif et l’apprentissage créatif sont des méthodes actives. Ces méthodes «contribuent à instaurer chez les élèves l’esprit de recherche, l’initiative, l’autonomie et la curiosité, tant pour l’acquisition que pour l’utilisation du savoir» (Amégan, 1995, p. 17). Cela va donc permettre aux élèves de développer leur autonomie en prenant leurs propres décisions. C’est pour ces raisons qu’il est intéressant de développer la créativité de nos élèves.
De plus, la créativité est une qualité qui sera appréciée dans le monde professionnel du 21e siècle. Un individu étant créatif, flexible, prêt à affronter l’inconnu ou l’imprévu sera un véritable atout dans le monde du travail.
«Il faut que les élèves puissent travailler sur leur ouverture d’esprit et sur leur imaginaire.»
Gaëtan Karlen et Maïtena Rais
Afin d’avoir une idée plus précise de ce que pourrait être un exercice ou une activité créative, voici trois exemples:
- Dans le cadre de l’allemand, les élèves pourraient être responsables d’organiser une sortie scolaire dans un canton alémanique. Ils devraient contacter directement les personnes responsables de visites de musée ou de zoo et organiser cette sortie scolaire avec eux. Un tel exercice leur permet d’avoir une grande liberté et de faire preuve d’imagination tout en utilisant les moyens technologiques.
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- En mathématique, pourquoi ne pas introduire la géométrie en abordant le sujet des crop circle(cercle de culture)? Ces dessins géométriques géants réalisés dans des champs cultivés sont l’occasion de montrer aux élèves une occurrence concrète de la géométrie. Le thème peut par exemple être introduit en proposant aux élèves d’eux-mêmes réaliser une construction géométrique à l’aide des outils tels compas, règle, rapporteur, etc. Une accroche créative peut faire la différence sur la motivation des élèves lors des prochaines séances sur la thématique abordée.
- Dans une discipline comme l’histoire de l’art, la création est au centre même de l’intérêt du cours. Pourtant, elle est généralement davantage considérée comme objet d’étude que partie intégrante de l’enseignement. La période du confinement a mis en avant une autre manière d’appréhender l’art et son histoire. Sur les réseaux sociaux ont émergé divers défis, notamment celui de reproduire une œuvre en se mettant soi-même en scène.Pourquoi ne pas proposer une telle activité aux élèves? Répartis par groupe en fonction du nombre de personnages représentés sur le tableau choisi, ils devront analyser l’œuvre selon un schéma de lecture, mais également en réaliser une reproduction sous forme de tableau vivant. Cela demande une observation attentive et une réappropriation de l’œuvre. D’une part, il s’agit d’appréhender différemment une lecture d’œuvre en passant par les sens et la mise en situation. D’autre part, de solliciter les compétences sociales et organisationnelles des élèves.
Ces exemples nous montrent qu’il est possible d’intégrer les élèves dans le processus d’apprentissage de manière créative. Certes, ce type d’activités peut demander un investissement tendanciellement plus conséquent de la part des enseignants, mais représente un grand bénéfice pour les élèves. Que ce soit pour donner sens à l’objet d’enseignement, attiser la curiosité des élèves, favoriser une plus grande ouverture d’esprit, ancrer une pratique scolaire dans une réalité sociétale, nourrir des compétences sociales, ou tout simplement offrir la chance aux élèves de développer leur créativité, intégrer des touches créatives dans son enseignement est un enrichissement certain. La créativité est un atout pour trouver des solutions au niveau personnel comme professionnel. C’est la clef de l’adaptation et du changement. Par conséquent, dans notre société en constant mouvement, c’est une richesse inestimable et de plus en plus demandée par les employeurs. Or, n’oublions pas qu’en tant qu’enseignant, nous sommes là pour préparer les élèves au monde de demain. Faisons en sorte de leur transmettre un maximum de ressources pour appréhender leur avenir avec confiance.
Gaëtan Karlen & Maïtena Rais
Taddéi, F. (2010). Inventer une nouvelle maïeutique pour apprendre à apprendre. Cahiers pédagogiques, n° 478.
Didier, J. et Bonnardel, N. (2020). Activités de conception créatives: nouvelles perspectives dans la formation des enseignants. Dans J. Didier et N. Bonnardel (Eds.), Didactique de la conception, 53-66. Belfort-Montbéliard, France.
Amégan, S. (1995). Pour une pédagogie active et créative. Presses de l’Université du Québec. 2e édition.
Article 2 : L’écriture créative
Dans le prolongement d’un premier article exposant les apports de la créativité dans l’apprentissage et l’enseignement d’un point de vue global, nous vous proposons ici l’approfondissement de cette problématique dans le cadre d’une discipline particulière, à savoir le français.
Placé sur un piédestal, le texte littéraire impressionne. Cette sacralisation participe à nourrir fascination et émerveillement face à la langue. Elle n’est pas un mal en soi, car elle contribue à légitimer l’enseignement de la littérature et nourrit l’attrait pour l’apprentissage du français. Elle comporte néanmoins un risque: creuser un écart entre l’élève et l’objet d’enseignement. Sacralisé, le texte littéraire est placé dans un univers particulier qui peut paraître fort éloigné de celui de l’élève. Pour l’enseignant, tout l’enjeu réside dans le fait de rendre le texte accessible. Cela ne suppose pas de balayer l’aura propre à la littérature, mais plutôt de permettre à l’élève d’ériger un pont vers les grands textes. Or, pour (ré-) établir cette connexion, pourquoi ne pas avoir recours à l’essence même de la littérature, l’écriture?
L’écriture créative détient un riche potentiel en vue de tisser un lien entre l’élève et les mots, et a fortiti entre l’élève et la littérature. Selon la représentation des élèves, la littérature est souvent strictement attachée à l’exercice du commentaire de texte. Le texte devient «texte à étudier» et s’éloigne du simple plaisir de la lecture. Autrement dit, cantonné à un objet d’enseignement, le texte perd son ancrage culturel et social pour ne plus être qu’un exercice scolaire. L’écriture créative ouvre des portes vers davantage de liberté, de légèreté et fait de la littérature un art vivant au sein de l’espace classe et dans la société en général. La perception du texte littéraire se transforme. D’un objet fini, intouchable et inaccessible, le texte glisse vers l’idée d’un processus de création dont on observe la cristallisation, l’aboutissement et la réception. Le texte n’est plus uniquement destiné à être analysé, mais s’inscrit dans une pratique créative. Dans son ouvrage Tous les mots sont adultes, François Bon souligne que «la littérature est une discipline artistique, [et que] l’atelier n’est pas seulement une pratique de relais ou de transmission, il nourrit ce point fragile d’échange et de recherche entre l’art et le monde» (Bon, 2005, p. 8).
Or, si l’écriture créative nourrit la sensibilité des élèves vis-à-vis des textes étudiés, elle les amène également à poser un autre regard sur leurs propres productions qu’elles soient tournées vers la création, l’argumentation ou la réflexion, et ainsi d’affiner leur style et leur sens de la langue. Comme le souligne Thierry Pochon dans la méthode Ecrire en classe, la pratique de l’écriture créative rend sa place au grand oublié de l’œuvre littéraire, à savoir: le lecteur. En classe, c’est une manière de mettre l’élève en mouvement et de l’inviter à s’impliquer davantage dans le processus d’apprentissage. Dans un cadre où on lui demande trop souvent de se taire, l’écriture créative donne droit à l’élève de s’exprimer et lui offre l’occasion de s’explorer, en tant que lecteur, «dans son rapport au texte [et] dans son rapport au monde» (Pochon, 2021, p. 7). Au-delà des murs de l’école, l’écriture est un outil pour appréhender le monde et la société. Que ce soit dans une visée créative, professionnelle ou personnelle – les trois pouvant bien sûr s’entremêler – l’écriture est utile. Il n’est donc pas anodin d’offrir l’occasion aux élèves de s’y familiariser.
Enfin, il est nécessaire de préciser, que loin de renier l’importance de l’étude de texte, l’écriture créative permet justement aux élèves de mieux saisir la portée littéraire d’un texte et d’en repérer avec une plus grande aisance les points saillants. Au-delà du fait de tisser un lien entre la littérature et l’élève, elle est un moyen d’approfondir la compréhension du texte littéraire. Elle propose de s’approprier les outils d’analyse par la pratique afin d’intégrer des concepts abstraits dans une application concrète et personnalisée.
«L’écriture créative détient un riche potentiel en vue de tisser un lien entre l’élève et les mots.»
Gaëtan Karlen et Maïtena Rais
Comment construire une séquence d’écriture créative?
- Définir un objectif (thématique, technique, pédagogique ou artistique)
- Choisir un support en accord avec le motif choisi (texte, image, objet ou autre)
- Formuler une proposition d’écriture
Voici quelques suggestions de mise en bouche…
En regard des outils d’analyse: les figures de style
- Objectif: construire une scène à travers une synecdoque
- Support: L’incipit de Réparer les vivants(2014) de Maylis de Kerangla. Le texte s’ouvre sur les battements du cœur de Simon Limbres. (Lecture orale du texte.)
- Proposition: je vous propose, à votre tour, de décrire une scène à travers une synecdoque, c’est-à-dire de se focaliser sur une partie pour exprimer le tout. Par exemple, sur les gestes de la main d’un peintre; sur les roues d’une voiture; sur une goutte d’eau dans une rivière, etc. L’idée est de concentrer son regard sur un détail qui exprime le mouvement de l’ensemble.
En regard d’un auteur ou d’un courant littéraire:
Introduire le Romantisme sur un morceau de Berlioz et inviter les élèves à faire courir leur plume sur les notes de musique; proposer aux élèves une sélection de photographies, leur demander d’en choisir une et de la décrire en parallèle de l’étude de l’œuvre Les Années d’Annie Ernaux; ou encore, pour aborder Le Parti pris des choses de Francis Ponge, leur demander d’apporter un objet de leur quotidien en classe, de l’observer, de réfléchir au mot qui désigne l’objet en relation à l’objet physique, et d’en laisser émerger un texte.
Dans la perspective d’un projet interdisciplinaire:
Imaginer un carnet de voyage (français, géographie, dessin); réaliser une revue sur un thème particulier (français, photographie, informatique – histoire, musique, biologie ou autre); composer des morceaux de slam en vue d’un concert (français, musique, économie). L’expérience est d’autant plus riche si les élèves ont l’occasion de rencontrer des professionnels (d’échanger, voire de co-construire avec eux), d’être sur le terrain et d’insérer leur projet dans une réalité socio-culturelle.
Ainsi, ces divers exemples montrent que la créativité ne se limite pas à aux disciplines artistiques, mais touche l’ensemble du programme scolaire. Le recours à la créativité enrichit l’enseignement, favorise l’apprentissage, mais permet également de nourrir des compétences transversales utiles au-delà des murs de l’école, et cela quelle que soit la voie que choisit d’emprunter chaque élève. La créativité est un atout. Il serait dommage de ne pas en profiter, d’en priver les élèves!
Gaëtan Karlen & Maïtena Rais
Bibliographie
Bing, E. (1976). … et je nageais jusqu’à la page. Vers un atelier d’écriture. Paris: Editions des femmes.
Pochon, T. (2021). Ecrire en classe. Degrés secondaires. Méthode pratique pour enseignant∙es. Le Mont-sur-Lausanne: Editions Loisirs et Pédagogie.
Bon, F. (2005). Tous les mots sont adultes. Méthode pour l’atelier d’écriture. Paris: Fayard. (Nouvelle édition).
Azzam, A.M. (2009). Why Creativity Now? A Conversation with Sir Ken Robinson. Educational Leadership, 67 (1).